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dimanche 26 mars 2023

Mémoire de Mostaganem Le drame de «Souika Tahtanya» la féérique

Mostaganem ne s’est totalement pas relevé de la catastrophe de 1927. Cette inondation a défiguré la ville, cassé son équilibre et anéanti certains endroits comme la Souika tahtanya. On l’appelait ainsi car elle était la pendante de la Souika fougania. Les deux places structuraient Tigditt, un espace initialement indépendant de la ville. Souika, le petit souk, existe en version haute et en version basse. De nos jours, tout Mostaganem connaît Souika fougania mais ignore la Tahtania. Or, c’est Souika la basse qui est féerique, c’est elle qui a fait le Mostaganem des aïeux. Située en contrebas par rapport à la place de Tigditt et sous les remparts de Tobbana, elle longe directement une partie de l’oued qui a fait son malheur. De nos jours, on ne la connaît que sous son aspect actuel, misérable, désert, une mosquée quasi abandonnée, deux minuscules boutiques vides, deux cafés fermés et en ruine, un bain maure abandonné. Mais avant la funeste nuit de septembre 1927, elle était le centre culturel et artistique de la ville, elle était le lieu des affaires. Aux alentours de la mosquée, des citadins qui habitaient El Maksar, se rencontraient dans des cafés traditionnels. Au-delà du pont, c’est le côté des Européens. En plus des minoteries des «Scali» qui longeaient l’oued, il y avait des bistrots aux terrasses enguirlandées, fleuries, aux soirées pleines de lumières, de musique, de bals dansants. Bref, les lieux étaient bien divisés par le pont qui existe encore. Deux communautés distinctes à qui il arrivait d’changer sans jamais se mélanger. Il y avait également el hamara, le portique à trois troncs d’arbre pour supporter la guerba, l’outre qui donne une eau délicieuse parce que parfumé au El guetrane
(huile de cade). A gauche de ce coin de paradis, un petit jardin aménagé avec le plus grand soin où se côtoient fleurs du pays, grappes de raisin et figues noires d’Andalousie. En face, c’était le café de Miloud Bel Oud, tout aussi agréable avec des ornements de Mascara, ville natale du patron. A côté, deux ou trois autres cafés du même genre, des cafés où il faisait bon vivre. Après hammam Essbaa et hammam El ghar, après le pont, commençaient des guinguettes chatoyantes et colorées où les roumis venaient passer des après- midi et des soirées avec épouses et enfants au son de leurs musiques. Ces établissements s’alignaient les uns collés aux autres jusqu’au plateau marine qui surplombe le port. Ain Sefra alors semblait un oued aussi tranquille que les consommateurs, il ajoutait à la fraîcheur de l’endroit et au charme de Souika la basse. Calme trompeur qui en une nuit noire, sourde et apocalyptique, emporta une partie de la ville et de ses habitants. Une nuit sans la moindre clarté, une nuit angoissante, une nuit de mort, le 26 septembre 1927.

Urbanisme à Mostaganem/ Les spéculateurs du foncier défigurent le cachet de la ville
A Mostaganem, ces dix dernières années, on a développé un urbanisme inadapté, bouleversant le cachet d’une ville méditerranéenne. Une ville qui a perdu ses repères car bradée par une agitation affluente de projets immobiliers. Des comportements dans la construction de logements promotionnels qui ont surpassé l’application des instruments urbanistiques réglementaires. L’investissement, surtout, dans la construction du logement promotionnel est devenu un créneau porteur. Par conséquent, la demande du foncier s’est élevée jusqu’à épuiser le parc. Les assiettes foncières dans certains quartiers potentiellement habitables sont rarissimes, donc très coûteuses. C’est ainsi que les promoteurs se sont tournés sur l’achat de vieilles maisons pour être utilisées comme poches foncières pouvant accueillir leurs projets immobiliers. Des bâtiments à plusieurs étages s’érigeaient un peu partout sur le tissu urbain de la ville de Mostaganem. C’est bien, c’est même parfait de contribuer à rendre disponible le logement, c’est aussi bien de pousser la construction afin de créer des emplois, mais le faire au détriment de l’mage urbanistique de Mostaganem c’est quand même embarrassant. L’embarras c’est d’abord l’inapplication de la loi dans l’octroi de permis de construire et le non- respect des plans d’occupation des sols à travers le périmètre urbain. L’inadaptation des projets par rapport à l’aspect architectural de la ville et au patrimoine immobilier existant. Avec ces constructions abusives, l’âme de la ville méridionale s’est envolée. A Mostaganem, on est venu avec des tours pour perturber un mode de vie, celui des anciens quartiers. On a érigé des tours dans des cités pavillonnaires sans respect du vis-à-vis. On a concédé des permis de construire là où il ne fallait pas.
Avec ces projets, la culture du partage de l’espace est ignorée. On est venu, par le truchement d’instruments d’urbanisme obsolètes, déranger tout l’environnement. Les spéculateurs du foncier ont pris le dessus sur une ville qui se défigure. La course au trésor, l’immoralité, le clientélisme ont faussé tout l’urbanisme d’une ville qui perd son cachet de jour en jour. Il est désolant de constater que des constructions non conformes à la loi ni aux successives instructions continuent de pousser à Mostaganem, bradant les interdits du code de l’urbanisme. On construit sans règles ni respect du recul ni de l’emprise du sol, ni les normes de trottoirs, ni le vis-à- vis, avec la bénédiction d’une administration consentante.
Lotfi Abdelmadjid

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