Un traitement approfondi des massacres du 8 mai 1945 est carrément absent au cinéma pour diverses raisons, selon les spécialistes. Bien qu’ils aient été commémorés à travers des chansons et le théâtre, il y a peu d’œuvres cinématographiques nationales qui mettent la lumière sur ces évènements tragiques qu’a connus le pays après la Seconde Guerre mondiale.
Par Abla Selles
Pour le journaliste et critique de cinéma Nabil Hadji, les manifestations du 8 mai 1945 n’ont pas fait l’objet de films révolutionnaires algériens produits après l’indépendance «en raison de l’orientation générale des pouvoirs publics à la production de films sur la période de la guerre de Libération nationale (1954-1962)».
Le critique a évoqué les films ayant consacré une place importante à cet évènement dont «Chroniques des années de braise» de Mohamed Lakhdar Hamina (1975) qui a remporté la Palme d’or au festival de Cannes, ainsi que le film «Fleur de lotus» du regretté Amar Laskri en 1999. Le même intervenant a estimé que ce thème était omniprésent dans le film historique «Hors-la-loi» de Rachid Bouchareb (2010), dans lequel un grand espace lui a été consacré.
Le réalisateur Bouchareb l’a évoqué également à travers les scènes d’ouverture de son film «Indigènes» (2008). Selon Nabil Hadji, les incidents du 8 mai 1945 étaient présents dans certains films historiques étrangers, à l’instar de «Ce que le jour doit à la nuit», du réalisateur français Alexandre Arcady, inspiré d’une histoire de l’écrivain algérien Yasmina Khadra. La réalisatrice française d’origine algérienne, Yasmina Adi, a consacré son film documentaire «L’autre 8 mai 1945» (2008) à ces massacres, tandis que le réalisateur Mahdi Alaoui a abordé cet évènement dans un film documentaire intitulé «Les massacres de Sétif du 8 mai 1945», outre le documentaire du réalisateur français René Vautier intitulé «Le sang de mai ensemençait novembre» (1982). Nabil Hadji a rappelé l’importance accordée par les programmes télévisés à ces évènements à travers le film «Douleur» de Mohamed Hazourli, dont le tournage s’est déroulé dans la ville de Sétif en 1977.
Pour sa part, le scénariste et journaliste Boukhalfa Amazit a incombé le manque de longs métrages cinématographiques ayant abordé ces évènements tragiques, à «la difficulté pour le cinéma de maîtriser ce grand évènement durant lequel les manifestations pacifiques se sont transformées en massacres odieux», soulignant «le manque de scénaristes souhaitant aborder les circonstances de ces massacres qui représentent une étape charnière dans la lutte du peuple algérien pour l’indépendance».
Dans le 7e art, «ce genre d’évènements ne peut être résumé dans un même scénario, vu qu’ils s’étalent sur une durée allant du début mai jusqu’au mois d’août», a estimé M. Boukhalfa Amazit, scénariste du film «Krim Belkacem» de Ahmed Rachedi. Il s’agit d’un thème déjà abordé par d’autres réalisateurs, à l’instar de Rachid Bouchareb dans son film «Indigènes» dans lequel il avait fait recours à la technique du scénario pour exprimer le rôle de cette tragédie humaine dans l’accélération du déclenchement de la guerre de Libération. Dans le tournage de scènes retraçant de pareils évènements, «le réalisateur doit avoir du génie pour pouvoir maîtriser le mouvement des foules», à l’image de l’expérience de l’italien Gillo Pontecorvo dans «La bataille d’Alger» qui a réussi dans une large mesure à transmettre les évènements, a-t-il souligné, précisant, néanmoins, que «ce genre de thèmes exigent des spécialistes et des fonds colossaux».
A. S.