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jeudi 18 avril 2024

Massacre de migrants au Mexique: Veillée funèbre sans corps et sans certitude au Guatemala

A Tuilelen (nord-ouest du Guatemala), la famille de Rivaldo observe une veillée funèbre devant la photo du jeune homme de 17 ans, sans toutefois avoir encore la certitude absolue qu’il figure parmi les victimes d’un massacre de 19 migrants illégaux au Mexique, près de la frontière des États-Unis.

Par Mourad M.

Pour l’heure, les autorités mexicaines tentent toujours d’identifier formellement les cadavres carbonisés découverts récemment dans l’État mexicain de Tamaulipas, et cherchent des correspondances avec des prélèvements ADN fournis par le Guatemala.
Pour les proches de Rivaldo, comme pour une douzaine d’autres familles, il ne fait cependant aucun doute que les gangs mexicains ont tué la douzaine de migrants partis le 12 janvier de cette région déshéritée du nord-ouest du Guatemala.
Rivaldo était parmi ceux qui avaient entrepris le périlleux voyage en quête d’une vie meilleure aux États-Unis.

Dernier message
«Nous sommes à quinze dans un minibus, nous sommes fatigués, nous avons mal aux pieds et au dos» : tel est le dernier message audio reçu par une tante de Rivaldo établie aux États-Unis et qui devait lui mettre le pied à l’étrier.
Deux jours plus tard, les autorités mexicaines annonçaient la découverte de 19 corps carbonisés à bord de deux véhicules sur un chemin de campagne près de la frontière américaine. Selon les premiers éléments de l’enquête, les victimes ont été abattues par arme à feu, puis brûlées.
Le père de Rivaldo, Rodolfo Jiménez, 36 ans, assure qu’un passeur l’a appelé pour lui dire que ses «proches sont morts tragiquement». «On les a tués, et on les a brûlés», lui a dit son interlocuteur.
Tamaulipas, sur le Golfe du Mexique, est sur la route la plus courte pour rejoindre les États-Unis depuis le Guatemala. Mais la région est dangereuse car des gangs y enlèvent, rackettent et assassinent des migrants.
La zone où les corps ont été découverts est réputée pour être le théâtre d’affrontements entre le cartel du Noreste, issu de la bande de Los Zetas, et le cartel rival du Golfo.
La majorité des migrants disparus, issus des villages de la commune de Comitancillo (à environ 300 km de la capitale), habités par des autochtones mayan mam, sont partis en quête du rêve américain le 12 janvier.
La vie est difficile à Tuilelen, un village de 900 habitants situé dans une zone montagneuse difficile d’accès : on y cultive le maïs, des haricots dans des champs balayés par le vent qui soulève des nuages de poussière.
Près de 60 % des 17 millions de Guatémaltèques vivent ainsi en-dessous du seuil de pauvreté.
Comme dans bien d’autres villages, à Tuitelen, au milieu des masures de pisé et au toit de tôle, les maisons en dur témoignent de l’aisance relative de ceux qui ont des parents qui ont pu s’établir aux États-Unis et qui envoient de l’argent à leurs familles restées au pays.
En dépit de la pandémie de coronavirus, les envois d’argent des émigrés ont apporté l’année dernière à l’économie guatémaltèque le chiffre record de plus de 11,3 milliards de dollars soit près de 15 % du PIB du pays.

«On les a brûlés !»
Rivaldo était apprenti mécanicien et voulait lui aussi envoyer de l’argent à ses parents et à ses six frères et sœurs, explique son père.
«Nous savons qu’il y en a qui meurent dans le désert ou dans des accidents… Mais là, on les a tués, et on les brûlés !» se désole-t-il.
Selon son père, Rivaldo avait fait appel à un passeur, un «coyote», qui lui a réclamé un total de 100 000 quetzales (environ 12 660 dollars) pour son «travail». Le jeune homme a versé l’équivalent de 2 500 dollars, le reste du montant devant être payé au fur et à mesure de la progression vers la frontière américaine.
Dans le village voisin de Nueva Esperanza (nouvel espoir), c’est Anderson, âgé de 16 ans qui s’était joint au groupe. Là aussi, le père, Marco Pablo, veille devant la photo de son fils aîné, d’une fratrie de neuf enfants.
«Son rêve, c’était d’acheter un terrain et de construire une maison. Il n’a pas pu le réaliser», se lamente Marco. «On les a brûlés comme s’ils n’étaient pas des êtres humains», s’indigne-t-il.
M. M.

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