Lasse d’attendre les quantités convenues de vaccins AstraZeneca qui ne viennent pas, ou alors à trop petites doses à son goût, l’Union européenne menace de recourir à la manière forte : empêcher celles produites chez elle de s’exporter, notamment en Grande-Bretagne, où la vaccination est en effet bien plus avancée. Cette menace est d’autant plus à prendre au sérieux qu’il est déjà arrivé que l’un de ses membres, en l’espèce l’Italie, de faire main basse sur des vaccins produits chez elle mais destinés à un autre pays, pour se dédommager de ceux qui lui étaient dus mais qui se laissaient désirer. Au début de la pandémie, ces pays qui comptaient parmi les plus industrialisés au monde se sont fait arracher par les Américains sur les pistes mêmes des aéroports des cargaisons de masques de protection qu’ils étaient parvenus à acquérir auprès des pays qui en fabriquaient, dont bien sûr la Chine. On imagine un peu ce qui se passerait aujourd’hui si les Etats-Unis ne disposaient pas de leurs propres vaccins. Les Américains n’hésiteraient probablement pas dans ce cas à faire dans la piraterie à grande échelle pour s’en procurer. Heureusement pour la sûreté du commerce international, ils ont pu développer non pas un seul vaccin, mais trois.
Ce qui les met à l’abri de ce besoin pressant dont on voit pour l’heure certains effets sur les Européens. Au point d’ailleurs que bien que possédant de l’AstraZeneca, ils se gardent bien de l’inoculer à leur population. Ce qui bien sûr n’est pas pour aider à faire passer les préventions récurrentes dont ce produit est victime, pour autant que le but recherché ne soit pas précisément de les entretenir. Il n’y a pas si longtemps les Européens étaient à mille lieues de se douter que les premiers effets secondaires du Brexit, ce serait eux qui les premiers les ressentiraient, pas la Grande-Bretagne, dont au contraire ils pensaient qu’elle s’en repentirait vite. Et puis voilà que ce sont eux qui se trouvent dépendants de quelque chose de vital qu’elle a pu inventer mais pas eux. Ceux des Britanniques qui avaient milité pour le maintien de leur pays dans l’UE, le moins que l’on puisse dire est qu’ils n’en mènent pas large aujourd’hui. Si c’était à refaire, le Brexit l’emporterait bien plus nettement qu’en 2016. Les mêmes reproches que les Européens font à AstraZeneca, en matière de retards de livraison, ils pourraient les faire à Pfizer et Moderna. Mais ils s’en gardent bien, sans doute par peur des rétorsions américaines. Ils prendraient leur mal en patience quand ces deux fabricants produiraient eux aussi chez eux. Les Européens ne se seraient jamais permis de les menacer de quelque façon que ce soit. S’ils ont tendance à s’énerver, c’est bien sûr parce que la crise sanitaire empire chez eux et qu’elle s’atténue chez les Britanniques, ce que ceux-ci doivent à leur taux de vaccination, bien plus élevé que le leur. Reste l’autre solution : se rabattre sur le vaccin russe, dont désormais tout le monde reconnait la bonne qualité, sauf peut-être les Américains. Le monsieur Vaccin à l’échelle de l’UE, Thierry Breton, à qui on faisait cette suggestion, s’en est formalisé, la recevant comme s’il s’agissait d’une insulte.