Le Mouvement français de la Paix a exigé, à la veille de la commémoration des manifestations d’Algériens à Paris, réprimées dans le sang le 17 octobre 1961, une reconnaissance officielle et une condamnation de ce qu’il a qualifié de crime d’Etat.
Par Tinehinane B.
«Avec de nombreuses organisations, Le Mouvement de la Paix demande que le président de la République au nom de la France, confirme, par un geste symbolique, la reconnaissance et la condamnation du crime d’Etat qui fut commis le 17 octobre 1961», a-t-il lancé dans un communiqué rendu public jeudi. Dans son appel «17 octobre 1961 : 59 ans après, exigeons la vérité et la justice», le même mouvement rappelle que ce jour, des milliers d’Algériens et d’Algériennes qui manifestaient à Paris pour défendre leur droit à l’égalité, pour leur droit à l’indépendance et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes furent arrêtés, emprisonnés, torturés et des centaines perdirent la vie, victimes d’une violence et d’une brutalité extrêmes des forces de police. Il appelle à se joindre à toutes les actions organisées en France pour exiger la vérité et la justice sur ce crime d’Etat et en particulier au rassemblement traditionnel qui aura lieu à Paris le samedi 17 Octobre 2020 à 18h au Pont Saint Michel sur la base d’un appel commun avec d’autres organisations militant pour la même cause.
Témoignages : la France voulait affaiblir la Révolution algérienne
La répression policière lors des tragiques manifestations du 17 octobre 1961 à Paris avait montré le visage de la France qui voulait «liquider» la Fédération de France du Front de libération nationale (FLN) en vue d’affaiblir la glorieuse Révolution algérienne, ont soutenu, jeudi à Alger, d’anciens moudjahidine de cette Fédération. Pour Amar Lounis, ancien responsable au sein de la Fédération de France du FLN, qui intervenait lors d’une journée de commémoration de ces événements organisée par le Direction des moudjahidine de la wilaya d’Alger, en collaboration avec les Scouts musulmans, les évènements du 17 octobre 1961 représentent une «date historique et une véritable démonstration» illustrant la qualité d’organisation de la Fédération de France du FLN. Il a expliqué, néanmoins, que la répression qui s’en est suivie, suite à une manifestation pacifique organisée par la direction de la Fédération contre le couvre-feu imposé par Maurice Papon contre l’émigration, avait pour toile de fond la «liquidation précisément de cette fédération pour étouffer la Révolution». Pour M. Lounis, les conséquences de ces évènements étaient «immenses» sur l’opinion publique française et internationale sur les capacités d’organisation de la Fédération, soulignant que ces évènements avaient contraint l’ennemi à se mettre à la table des négociations avec ceux qui se battent pour l’indépendance du pays, à savoir le FLN. M. Lounis a indiqué que la jeunesse devrait s’enorgueillir de la génération qui a conduit le pays à l’indépendance, car elle s’était élevée comme un seul homme pour vaincre la 4e puissance militaire mondiale de l’époque. Pour sa part, Ouled Hamou Brahim, également ancien membre de la Fédération de France du FLN et ancien condamné à mort, ces évènements représentaient une date historique, qui avait permis au Gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA), notamment de mener des négociations, en position de force. Il a ajouté que l’objectif du colonisateur français était de détruire la Fédération de France car, a-t-il ajouté, en plus d’être le pourvoyeur de fond des maquis, la Fédération avait porté le fer sur le sol français. «Le FLN avait montré ainsi qu’il pouvait frapper où il veut», a-t-il dit. Les crimes perpétrés par la police française contre des manifestants algériens pacifiques le 17 octobre 1961 à Paris demeurent, à ce jour, l’un des plus grands massacres des civils commis en Europe au 20e siècle, selon des universitaires, des chercheurs et des historiens. Ces manifestations pacifiques étaient également organisées à l’appel lancé par la Fédération de France du FLN pour une grande mobilisation pacifique, suite à plusieurs cas de violence policière et de tueries contre la communauté algérienne. Mais dans la soirée de cette sinistre journée, les rues de Paris étaient jonchées de corps d’innocents Algériens dont un grand nombre furent jetés vivants dans les eaux glaciales de la Seine, alors que d’autres ont été exécutés sommairement par balle, battus à mort ou pendus aux arbres des bois de Vincennes, en exécution des ordres de Maurice Papon qui, lui-même, appliquait les instructions dictées par les plus hautes autorités de la France de l’époque.
Mahraz Lamari : les massacres du 17 octobre 1961, des «crimes d’Etat»
Les massacres du 17 octobre 1961, perpétrés par la police française sur les militants algériens établis en France, réclamant l’indépendance de l’Algérie, sont des «crimes d’Etat», indique Mahraz Lamari, militant des droits de l’Homme, appelant l’Etat français à les «assumer et reconnaître». Tout en relevant, dans une libre tribune, le «combat valeureux» de la communauté algérienne résidant en France durant la guerre de Libération nationale, l’ancien président du Comité national algérien de Solidarité avec le peuple sahraoui qualifie la répression policière française sur les manifestants pacifiques de «crimes d’Etat» dont la commémoration est un «devoir impérieux de souvenir et de méditation». De même que les événements de cette date, décrétée Journée nationale de l’émigration, ont démontré «le lien ombilical entre notre communauté et la lutte du peuple algérien depuis le déclenchement de la Révolution de Novembre 1954». «Nul ne peut occulter cette partie de l’histoire, l’Etat français ainsi que l’ensemble des institutions de la République française doivent assumer et reconnaître les crimes de guerre que la Francea commis à l’encontre du peuple algérien, y compris les martyrs de la communauté algérienne établie en France», ajoute M. Lamari, avant de s’incliner «devant le courage, la loyauté indéfectible et le sacrifice ultime des chouhada issus de notre communauté». Il a salué le combat de «tous les valeureux moudjahidine de Novembre 1954 et des patriotes de la Fédération FLN (Front de libération nationale) de France qui étaient en parfaite symbiose avec la dimension populaire nationale, en rejoignant les rangs du mouvement national de libération et prenant aussi date avec l’Histoire pour la grande réhabilitation nationale et l’indépendance totale de l’Algérie».
T. B.