La Nupes est un nouveau sigle politique français avec lequel il va falloir s’habituer, bien qu’en effet il ne paye pas de mine, ni ne se laisse facilement prononcer, car ce qu’il recouvre, la Nouvelle union populaire écologique et sociale, une alliance des quatre principales formations de la gauche française, pourrait bien être pour sa part promise à un grand avenir. Sa formation constitue déjà un événement politique comme il ne s’en produit que rarement, y compris dans un pays aussi mordu de politique que l’est la France, «le pays classique de la lutte de classes» comme la qualifiait déjà Marx. Le glissement à droite de la société française, à l’œuvre depuis au moins deux décennies, si ce n’est plus, a enfin trouvé en ce début de mois de mai, et à si peu de distance des législatives, la réponse qu’il méritait, la seule qui soit capable d’en renverser le cours : l’union de la gauche, un juste retour de flamme dont on a presque fini par désespérer. Cela n’aurait pas été possible sans le score important réalisé par Jean-Luc Mélenchon, le leader de La France Insoumise, qui lui a fait manquer de peu d’être au deuxième tour de la présidentielle d’avril dernier. L’extrême faiblesse des résultats de ses principaux compétiteurs de gauche en comparaison du sien a comporté un message clair des électeurs en faveur de l’union, lequel a été entendu.
Ce message aurait été brouillé si les scores de tous avaient été plus équilibrés. Mélenchon et les siens n’ont fait ensuite que l’interpréter de façon juste. Les électeurs de gauche, comme on dit en France, voulaient l’unité, et pour l’obtenir, ils ont voté utile en faveur de la candidature Mélenchon dès le premier tour de la présidentielle, celle qui leur semblait la plus prometteuse. La suite a coulé de source. Trois blocs ont émergé à la faveur de cette présidentielle : les libéraux ou les macronistes, l’extrême droite, et la gauche toutes tendances confondues. L’inversion du calendrier électoral ayant été introduite pour empêcher la cohabitation, les législatives qui viennent devraient donner une majorité stable au président réélu. Sauf que dans l’absolu rien n’interdit qu’il en soit autrement. La réforme du calendrier électoral est un pari sur la cohérence, mais aussi sur l’intelligence des électeurs : s’ils élisent quelqu’un comme président de la République, c’est pour lui donner dans un deuxième temps la majorité dont il a besoin pour gouverner. Ils provoqueraient délibérément la crise s’ils faisaient un autre choix. Comme depuis son adoption en 2002, cette réforme n’a pas été prise en défaut, il y a tout lieu de penser que les législatives de juin prochain ne constitueraient pas une exception à la règle. Si dans leur majorité les électeurs français voulaient être gouvernés à gauche, ils auraient élu, n’est-ce pas, non pas Macron mais Mélenchon comme président de la République, même en l’absence de la Nupes. La réalité, c’est que ce genre d’assertion n’est valable qu’aussi longtemps que des législatives ne s’y sont pas inscrites en faux. Il suffit que la chose se produise une seule fois, qu’une seule fois la majorité des électeurs ne votent pas pour le même camp que lors de la présidentielle pour qu’on voie qu’en réalité celle-ci ne garantisse rien. Or tant que cela ne s’est pas produit, il y a la possibilité que cela se produise dès la prochaine fois.