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dimanche 26 mars 2023

L’Otan échoue à isoler la Russie

Si le but de Vladimir Poutine avait été en entrant en guerre avec l’Ukraine de diviser les Américains et leurs alliés, alors oui, Joe Biden aurait eu cent fois raison de soutenir dans son discours sur l’état de l’Union de mardi qu’il avait lamentablement échoué, et que maintenant il allait, comme de juste, devoir le payer très cher. Un dictateur, a précisé le président américain, qui sur ce thème se savait parfaitement en phase avec son public, doit trouver son châtiment immédiatement, autrement il s’enhardirait, il redoublerait de malfaisance, le risque serait même grand qu’il devienne inarrêtable. Fidèle à sa réputation de grand gaffeur, cet homme de 79 ans, a sur sa lancée commis un lapsus révélateur. Voulant dire que Poutine ne gagnerait jamais les cœurs des Ukrainiens, il a prononcé «Iraniens» à la place d’Ukrainiens. Le fait est que lui-même Joe Biden perdrait son temps s’il cherchait l’amitié des Iraniens. Force lui est de se contenter de celle des Ukrainiens, et encore pas même de celle de tous les Ukrainiens, mais seulement des pro-occidentaux d’entre eux, que les Russes nomment les néo-nazis. Tout au long de son speech, Biden identifiait allègrement Poutine et Russie, c’est-à-dire un individu avec toute une nation, ce qui n’est pas une marque de respect pour les Russes.

A l’en croire, Poutine est le seul dans son pays non seulement à vouloir cette guerre mais à la mener sur le terrain. La guerre de Poutine, l’invasion de Poutine, les bombardements de Poutine, des termes qu’on ne retrouve pas seulement chez lui soit dit en passant, qui au contraire fleurissent dans les médias occidentaux, mais aussi dans ceux dont c’est la fonction de relayer leur esprit. Mais comme Poutine, pour parler comme Biden, à l’évidence n’a pour but de diviser ni les Américains ni leurs alliés, il ne doit pas avoir déjà complètement perdu la partie dans laquelle il s’est engagé. Il peut toujours la perdre, certes, mais le cas échéant ce serait pour avoir raté d’autres objectifs que ceux que lui assigne le président américain. Mais là où ce dernier a manifestement tort, c’est en affirmant que la Russie est aujourd’hui, pour prix de ses actes, complètement isolée dans le monde. Un pays ainsi mis au ban du monde tombera de lui-même ; il n’est même pas besoin de lui faire la guerre, les sanctions économiques et autres prises à son encontre, par les seuls Occidentaux il faut le préciser, y suffisant amplement, et sinon dans l’immédiat, du moins dans les semaines qui viennent. La défaite, pour employer un terme dans l’air du temps, désillusion étant plus approprié, des Américains et de leurs alliés, c’est que le monde est au contraire en train de faire preuve d’une grande compréhension des motifs sécuritaires à l’origine de l’opération militaire russe en Ukraine. S’il apporte son soutien au pays envahi, il est loin de condamner l’envahisseur. C’est qu’il voit bien que la Russie ne vise pas à asservir l’Ukraine mais à se défendre d’une alliance militaire qui aurait dû disparaître il y a longtemps. Même les Etats arabes les plus liés aux Etats-Unis, comme l’Arabie saoudite, les Emirats et le Qatar, adoptent en l’espèce une attitude de neutralité, il est vrai avec des nuances plus ou moins perceptibles de l’un à l’autre, le plus aligné sur l’Occident étant le Qatar, mais sans que cela sorte comme un nez dans un visage. Les Emirats se sont abstenus au cours du vote sur la résolution présentée par les Etats-Unis au Conseil de sécurité condamnant la Russie, rejoignant en cela la Chine, ce qui en a étonné plus d’un. La Ligue arabe s’est contentée de généralités sur le respect des souverainetés et le primat du dialogue dans la résolution des conflits entre Etats. On peut en dire autant des autres régions dans le monde. Si bien qu’on peut se demander qui est en réalité aujourd’hui le plus isolé, de l’Otan et de la Russie.

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