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vendredi 31 mars 2023

L’offense faite à Biden

Conséquence de la pandémie : il ne suffit plus de dire que telle organisation se réunit ou va se réunir, il faut aussi préciser si c’est à distance ou bien en présentiel (un barbarisme de création récente, qui doit tout à la pandémie) qu’elle le fait ou compte le faire. En présentiel, c’est-à-dire que ses membres se rencontrent tous en chair et en os dans un endroit bien précis. Unité du temps et de l’espace. Jusqu’à la pandémie, on faisait du présentiel sans le savoir. Dans ce cadre seulement, le facteur chaleur humaine peut jouer à plein, pour le meilleur comme pour le pire. En général en effet, les autres réunions, celles qui sont tenues en virtuel, se soldent rarement par des décisions spectaculaires, leur objectif étant plutôt de maintenir le lien et de répondre à l’urgence. La dernière réunion ministérielle de l’Opep+ s’est tenue mercredi dernier à Vienne, et en présentiel, ce qui arrive pour la première fois depuis avril 2020. Elle a été convoquée pour décider d’une réduction significative de la production, seul moyen d’infléchir une baisse continue des prix dans une conjoncture économique présentant déjà bien des traits d’une récession.

En 2020, la chute des prix était due à la pandémie, qui mettait à l’arrêt des pans entiers de l’économie mondiale, en même temps qu’elle en désorganisait les chaînes de production et d’approvisionnement. Aujourd’hui, il s’agit encore d’affronter les conséquences durables quoique indirectes de la crise sanitaire sur les prix de l’énergie, mais également de faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine, les deux causes de la baisse conjuguant leurs effets pour produire à un niveau global une récession qui risque de s’étaler dans le temps. En 2020, l’Opep+ n’avait pas fait dans la dentelle en réduisant la production de plusieurs millions de barils par jour, que certains estiment aujourd’hui à 10 millions. Mercredi dernier, la réduction, bien que beaucoup plus faible, puisqu’elle n’a été que de deux millions de barils par jour, a paradoxalement produit un plus grand effet, sinon sur le marché du moins au niveau politique. Peu de gens se doutaient par avance qu’elle serait de cet ordre, et moins que tous ceux pour qui c’est une hausse nette de la production qu’il aurait fallu décréter, au regard de l’inflation en train à la fois d’enfler et de se propager. Il faut dire que même dans les milieux proches de l’Opep, on ne s’attendait pas forcément à une réduction de deux millions de barils, d’autant que dans les heures précédant la réunion, l’idée avait prévalu qu’elle serait tout au plus de 1,1 million barils par jour. De là l’espèce de choc causé par ce chiffre des deux millions. Un choc que personne ne semble avoir autant ressenti que l’administration Biden, qui depuis des mois maintenant fait pression sur ses amis du Proche-Orient pour qu’ils accroissent leur production, autant pour lutter contre l’inflation que pour que la Russie ne profite pas de la situation. Pour elle tout au moins, deux millions de réduction plutôt qu’un seul, ce n’est pas pareil. La réalité, c’est que les producteurs se sont arrêtés à ces deux millions en considération du fait que déjà nombre d’entre eux n’arrivent pas à produire à la hauteur des quotas auxquels ils ont droit. N’était cette sous-production effective, la réduction n’aurait pas été fixée à deux mais à plusieurs millions. L’administration Biden ne l’a pas seulement mal pris, elle y a vu une sorte d’offense faite à la personne même de Joe Biden. Pire encore, elle pense que l’Opep a choisi son camp, et c’est celui de la Russie, ce qui est de nature à lui attirer des représailles. Déjà il est question de mesures spécialement conçues pour l’empêcher de continuer à avoir la haute main sur le marché du pétrole.

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