Les autorités financières du monde entier ne sont jamais satisfaites relativement à l’inflation : quand celle-ci augmente, elles s’en alarment, et font tout ce qu’elles peuvent pour la faire baisser, et quand elle diminue, elles s’en inquiètent encore plus, et cherchent par tous les moyens à la faire repartir à la hausse. Depuis la crise de 2008, elles savent qu’il vaut mieux être aux prises avec sa hausse qu’avec sa baisse. Pour elles, une inflation qui n’arrête pas de monter est toujours préférable à une inflation qui ne cesse de baisser, même si évidemment le commun des mortels serait pour sa part d’un avis opposé. Tant qu’elle n’a pas tourné à l’hyperinflation, ce qui somme toute n’arrive que rarement, et à chaque fois dans un contexte politique d’exception, l’augmentation généralisée des prix dans est en théorie le symptôme d’une économie en surchauffe. Une hausse des taux d’intérêt suffit alors à la refroidir. Quand il y a fièvre, en effet, il y a vie, et même effervescence, trop-plein de vie. La machine économique tourne plus vite qu’il ne serait raisonnable. Mais le remède existe, il est efficace : le renchérissement de l’argent, la hausse des taux d’intérêt. C’est beaucoup plus compliqué quand les prix se mettent à baisser dans plusieurs secteurs d’activité à la fois.
C’est justement ce qui se passait dans les grandes économies depuis en gros la crise financière de 2008 jusqu’à l’année dernière, avec l’entrée en scène d’un nouveau acteur économique, complètement inattendu celui-là : la pandémie de Covid-19. Soudainement, les prix que pendant des années rien ne parvenait à relever ont inversé leur cours, renouant avec la hausse. Les banques centrales qui jusqu’alors ne réussissaient pas à atteindre leur cible d’inflation pourtant modeste de 2 %, bien qu’ayant recouru pour ce faire, et cela depuis plus d’une décennie à une politique monétaire expansionniste comme jamais, se sont retrouvées du jour au lendemain avec des taux d’inflation dont elles
n’osaient même pas rêver auparavant. D’un coup, le spectre de la déflation, le plus effrayant de tous, s’est dissipé, envolé, parti ailleurs, on ne sait où. Qu’il ne soit plus là occupé à faire tomber de plus en plus bas les prix, la chose est indéniable. L’inflation qui reprend, c’est la preuve que l’économie mondiale est en train de se rétablir de la pandémie. Seulement cette inflation-là n’est pas la conséquence d’une surchauffe, mais de son contraire, d’un déficit d’activité induit par les confinements et autres fermetures d’entreprises et de frontières. On appelle stagflation une situation où les prix montent sans que l’activité économique ne soit en train de battre son plein. Historiquement inflation et stagnation ont marché de concert dans les années 1970, au sortir des Trente Glorieuses et à la veille de la révolution libérale. Les prix augmentent aujourd’hui parce que les pays riches, mais désormais pas nécessairement les plus productifs, ont rouvert leurs marchés, la vaccination étant chez eux de loin le plus avancée, mais sans que l’économie mondiale n’ait encore retrouvé son niveau de production d’avant la crise sanitaire. Si les prix sont à la hausse y compris dans un pays comme le nôtre, c’est également en raison de cette inflation couplée à un déficit d’activité sur un plan global. En Algérie en tout cas, c’est clairement une inflation importée. Ses causes ne sont pas dans le pays, mais hors de lui, dans le reste du monde, une moitié de celui-ci étant hors de la pandémie et une autre encore prise dans ses rets.