Les Etats-Unis ont empêché une première fois que la paix se rétablisse entre l’Ukraine et la Russie. Cela s’est produit au tout début de la guerre, lorsque par l’intermédiaire de leur voisin commun, la Biélorussie, les belligérants s’étaient montrés disposés à mettre fin aux hostilités, à la surprise de beaucoup. Un cessez-le-feu, s’il avait prévalu, aurait ouvert sur des négociations d’autant plus prometteuses qu’à ce moment la Russie n’avait pas encore annexé des territoires ukrainiens en dehors de la Crimée. La véritable cause de cette guerre étant aussi bien l’élargissement de l’Otan à l’est que l’intention clairement exprimée du pouvoir ukrainien d’en devenir membre un jour, lequel probablement ne paraissait pas pour lui très lointain, il suffisait que l’Ukraine abandonne ce projet et proclame sa neutralité pour que la guerre perde sa principale raison d’être. Les Etats-Unis ne voulaient pas d’une solution dont la première traduction serait la perte de leur influence sur l’Ukraine, dont le régime actuel leur doit tout, et d’abord son existence.
On sait comment ils avaient procédé : ils avaient dépêché Boris Johnson, alors Premier ministre en fonction, à Kiev, pour y tenir ce langage ne tolérant pas de réplique : vous ne recevrez plus aucune aide ni de notre part ni de celle des autres pays occidentaux si vous acceptez le cessez-le-feu qui vous est proposé. On ignore aujourd’hui pourquoi cet avertissement a suffi pour faire changer de direction à Kiev. Une explication plausible serait qu’il n’était pas certains alors que le cessez-le-feu et l’accord qui en découlerait seraient respectés par la Russie. A l’époque, entre l’Ukraine et la Russie, il n’y avait que la Biélorussie, un médiateur dévoué certes, mais qui n’est pas une puissance de premier plan à même d’en imposer à la Russie. Or il en fallait au moins une pour garantir un accord comme celui qui était envisagé. Il se trouve que le plan de paix en débat aujourd’hui, le plan chinois, repose lui aussi sur le même préalable, celui d’un cessez-le-feu immédiat, commandant tout le reste. On peut même dire qu’il n’est que cela : un arrêt des combats, qui s’il est accepté et surtout respecté par les parties prenantes est susceptible de se prolonger dans un accord abordant tous les autres motifs de conflit. Aucune solution n’est possible tant que les affrontements se poursuivent, sinon une victoire écrasante d’un camp sur un autre, et encore, la guerre pourrait prendre dans ces conditions de nouvelles formes. Un cessez-le-feu lui par contre pourrait prendre possible jusqu’à l’impossible. Le président chinois est encore en visite d’Etat en Russie, s’attardant sûrement avec son hôte sur les propositions pour la paix faites par son pays, dont tout le monde maintenant connaît le détail. On sait par ailleurs qu’une vidéoconférence doit se tenir entre lui et le président ukrainien, à son retour en Chine. La Chine peut donner à l’Ukraine les garanties dont elle avait pu manquer au début de la guerre, du temps de la médiation biélorusse. L’Ukraine s’est d’ailleurs dite intéressée par l’initiative chinoise. Elle a même engagé la Chine à user de son influence sur la Russie dans l’intérêt de la paix. Elle s’est gardée de la repousser sans autre forme de procès comme l’ont fait les Etats-Unis, et d’autres pays. Il existe encore un motif d’espérer. Paradoxalement, c’est le style débridé dont usent les Américains pour alerter la communauté internationale sur la tromperie chinoise. Ils seraient beaucoup plus sereins s’ils ne nourrissaient aucune crainte sur l’attitude de Kiev par rapport à l’offre de médiation chinoise.