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jeudi 28 mars 2024

Libye : le Conseil présidentiel suspend Najla Mangoush

A moins d’une encablure désormais de la présidentielle libyenne, sur la tenue de laquelle veille la communauté internationale, le Conseil présidentiel décide de suspendre la ministre des Affaires étrangères, Najla Mangoush, de l’interdire de voyage à l’étranger en lui retirant notamment son passeport, et de la soumettre à une enquête pour « violations administratives » commises à son détriment dans l’exercice de ses fonctions. Le vice-président du Conseil présidentiel est chargé de mener cette enquête, dont les conclusions doivent être remises dans 14 jours exactement. Cette décision n’est pas plus tôt tombée qu’elle est rejetée par le gouvernement Dbeibah qui ordonne à la ministre de poursuivre son travail comme si de rien n’était, tout en reconnaissant les progrès réalisés grâce à elle sur bien des sujets. La réaction du gouvernement prouve par elle-même qu’aucune force n’a pu être envoyée s’assurer à la fois de la personne de la ministre, et la soumettre aux mesures prises à son encontre. Mangoush était libre de ses mouvements, elle le reste. Ce n’est pas sur son sort qu’il faut s’inquiéter par conséquent, mais sur la stabilité de la Libye, qui déjà ne tenait qu’à un fil.

Il ne serait même pas impossible qu’elle participe à la Conférence internationale de Paris sur la Libye, à l’initiative de la France, qui doit avoir lieu dans maintenant moins d’une semaine. Il y a même de fortes chances pour qu’elle y soit, du moment que le Chef de son gouvernement, Abdelhamid Dbeibah, lui renouvelle sa confiance, encore que l’invitation française ait été faite au gouvernement non pas à un de ses membres. En Libye même, certains s’expliquent la mesure de suspension prise contre la ministre par les déclarations faites par elle dans un entretien avec la BBC, selon lesquelles les négociations sur l’extradition aux Etats-Unis d’un des auteurs présumés de l’attentat de Lockerbie, Abou Agila Mohammed Masaoud, aujourd’hui détenu en Libye mais pour une autre affaire, devraient bientôt aboutir. On voit mal a priori pourquoi la perspective de cette extradition déplairait tant au Conseil présidentiel. Il y a plus simple pour rendre compte de la décision probablement d’ailleurs sans effet prise contre la ministre des Affaires étrangères. C’est le fait que plus on s’approche de la date des élections, plus on voit que les deux composantes du pouvoir issues du Forum de dialogue libyen, il y a moins d’une année, n’appartiennent pas au même camp ; que l’un, le Conseil présidentiel dépend de Tobrouk, et l’autre, le gouvernement, de Tripoli. Ce n’est pas un seul membre du gouvernement Dbeibah que le Conseil présidentiel, à la tête duquel se trouve Mohamed el-Menfi, aurait voulu suspendre, et même révoquer, mais tout le gouvernement. S’il ne le fait pas, c’est parce qu’il n’en a pas le pouvoir. Le gouvernement n’hésiterait pas à lui faire subir le même sort s’il le pouvait. Cela, tout le monde le sait, mais tout le monde fait comme si la Libye allait droit à des élections, dont les résultats seraient acceptés par les parties prenantes. Un processus illusoire est en cours que personne ne veut remettre en cause de peur du chaos qui s’y substituerait. Ce n’est pas maintenant que l’on est si près du but qu’on va se mettre à douter de la feuille de route établie en fait depuis la première Conférence de Berlin en 2020. On connaît l’obstacle, ce sont les deux factions libyennes, dont le pouvoir est tout relatif, leur pays étant sous mandat international. Ce serait leur accorder trop d’importance que de les supposer en capacité de faire échec au plan de restauration de l’unité de la Libye concocté par la communauté internationale.
M. H.

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