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lundi 20 mars 2023

Libye, des élections qui n’augurent rien de bon

La manière la plus simple de résoudre une crise politique, si la solution révolutionnaire n’est pas possible ou qu’elle a déjà échoué, c’est de s’en remettre à nouveau au peuple, à travers des élections, même si cela est souvent plus facile à dire qu’à faire. En Libye en tout cas, les élections paraissent pour l’heure la voix royale de sortie de crise, d’autant plus praticable que tout le monde se dit d’accord pour les tenir. Elles devront se faire en deux étapes, alors que dans un premier temps il était convenu de les organiser simultanément : une présidentielle pour commencer, prévue pour le 24 décembre, des législatives dans la foulée pour clore le processus de Berlin. Si les élections étaient la solution aux problèmes libyens, nés de l’agression franco-britannique de 2011, alors les Libyens n’auraient qu’à patienter quelques semaines de plus pour voir ces problèmes se dissiper d’un coup, comme par enchantement, pour entrer de plain-pied dans une nouvelle période de leur histoire. Il faut seulement prendre garde à ce qu’elles ne compliquent pas la crise au lieu de la résoudre. Comme on le voit en ce moment en Irak, où les élections tenues le 10 octobre, censées faire tomber la pression, l’ont fait monter au contraire.

Les partis qui les ont perdues ont commencé par en contester les résultats, ce qui a provoqué des troubles, des affrontements et des morts, l’ordinaire en Irak depuis 2003, avant qu’une première ne se produise : la tentative d’assassinat ciblant le chef du gouvernement, Mustapha el Kazimi, qui a échoué. Dans les pires moments de l’histoire récente de ce pays, les milices, c’est-à-dire les branches armées de ces mêmes partis ayant pris part aux élections, n’avaient pas visé à la tête de l’Etat. Les élections anticipées du 10 octobre semblent bien avoir ajouté à la tension existante au lieu de la purger tout ou partie. Probablement, l’Irak serait en meilleur état aujourd’hui s’il en avait fait l’économie, même s’il n’était pas auparavant dans une situation particulièrement sereine. Il faut craindre qu’en Libye également les élections du 24 décembre, si elles se tiennent, ce qui n’est pas encore acquis, ne soient au bout du compte un remède pire que le mal qu’elles sont censées guérir. Ce ne serait pas d’ailleurs la première fois dans ce pays, les législatives de 2014 ayant eu pour seul effet de couper le pays en deux, entre l’est et l’ouest, Tobrouk et Tripoli. Ceux qui les avaient perdues avaient rejeté leurs résultats. Depuis hier, le dépôt des candidatures à la présidentielle du 24 décembre a commencé. La veille, le Conseil présidentiel suspend la ministre des Affaires étrangères, décision récusée par le gouvernement, dont le chef, Abdelhamid Dbiebah, se prépare, dit-on, à annoncer sa candidature, alors qu’en principe il n’y a pas droit. Parmi les candidats attendus, le général Khalifa Hafter, Aguila Salah, le président de la Chambre des représentants, basée à l’est, Fathi Bashagha, ministre de l’Intérieur au sein du précédent gouvernement d’union nationale, et probablement le chef du gouvernement actuel, lequel dans ce cas devra abandonner son poste. Même à supposer que l’élection se tienne comme prévu, il faudrait encore que ses résultats soient reconnus par tous, et d’abord par ceux qui l’auront perdue. Rien qu’à voir l’affiche, on peut en douter. Or ce n’est pas tout : cette élection se déroulera sans doute en présence de ces mêmes forces étrangères du départ desquelles on a fait une condition sine qua non à la fois de leur bonne tenue et de leur crédibilité. Tout cela n’augure rien de bon.

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