En quatre mois de guerre, l’armée russe s’est emparée de la plus grande partie du Donbass à l’est, et au sud de la totalité de Kherson, que Kiev sans doute mal inspiré s’efforce dès à présent de lui reprendre par tous les moyens. Il ne lui reste plus que la moitié ouest de Donetsk à prendre, et ses objectifs de guerre, du moins ceux annoncés au début de la guerre, seront atteints. Si Kiev écoutait les conseils de certains de ses amis, dont le fameux Henry Kissinger, qui l’engageait à faire des concessions territoriales, à la fois dans son propre intérêt et celui de ses alliés, qui pourraient alors commencer à se réconcilier avec la Russie, l’ennemi principal étant au point de vue de l’ancien secrétaire d’Etat américain non pas cette dernière mais la Chine, il se placerait tout de suite dans la perspective d’un arrêt des hostilités. Tout semble indiquer en effet que la Russie ne garderait des terres prises que celles dont la conquête lui a coûté beaucoup de soldats. Elle rendrait vraisemblablement sans grand difficulté celles enlevées sans coup férir ou presque.
Tout récemment, le président russe a laissé clairement entendre, s’adressant à un public russe, que la continuation de la guerre signifierait une plus grande partie du territoire ukrainien annexée. Là où le sang russe a coulé en abondance est appelé à devenir russe par là même, tel semble être en l’occurrence son message. Pour le moment, les chances que cet avertissement produise l’effet escompté sont minces, pour ne pas dire inexistantes. Il peut en être autrement dans les semaines et mois qui viennent, peut-être même plus tôt qu’on ne serait porté à le croire. Tout dépend à cet égard du cours de la guerre. Les lance-roquettes américains HIMARS ayant commencé à faire leur apparition sur le terrain, il faut évidemment attendre de voir s’ils sont bien de nature à stopper l’avancée des forces russes là où celles-ci sont en mouvement, selon le vœu des dirigeants ukrainiens. S’ils sont aussi redoutables qu’on le dit, et que les lignes russes s’en ressentent, c’est la guerre dans son ensemble qui sera à même de changer de visage. S’il n’en est rien, l’hypothèse d’ailleurs la plus forte, les Russes ne donnant pas le sentiment de nourrir beaucoup de craintes à leur sujet, alors on voit mal quelles nouvelles armes occidentales changeraient la donne qui n’aient pas encore été mises à la disposition des Ukrainiens. A la même occasion à laquelle il vient d’être fait allusion, le président russe a aussi fait savoir que les choses sérieuses en Ukraine n’avaient même pas encore commencé. Qui croire de lui et des services de renseignement occidentaux, américains et britanniques en particulier, qui quasiment depuis le début de la guerre n’arrêtent pas d’annoncer l’usure avancée des troupes russes ? A les en croire, Moscou manquant déjà de forces neuves et aguerries susceptibles d’être jetées dans la bataille, serait contraint dès maintenant de puiser dans ses réserves. On n’attendra pas longtemps avant d’en avoir le cœur net. En Europe tout particulièrement, y compris en Grande-Bretagne, on se montre bien plus préoccupé par la pénurie d’énergie, conséquence directe non pas de la guerre mais des sanctions économiques adoptées contre la Russie, qui se profile, que par le sort qui attend l’Ukraine. En fait, plus personne en Occident ne croit à sa victoire sur la Russie. Une donnée importante en ce qu’elle plaide pour une durée de la guerre bien plus courte que celle dont il est généralement fait état en Occident. A l’allure dont s’affirme la supériorité de l’armée russe, c’est en mois non pas en années qu’il conviendrait de mesurer cette durée.
M. H.