Alors que la guerre redouble d’intensité en Ukraine, s’étendant à des régions jusque-là épargnées par elle, voilà le président russe qui dans une communication avec son homologue biélorusse parle d’un certain progrès dans les négociations entre les belligérants. Celles-ci, apprend-on par la même occasion, se tiendraient quotidiennement, probablement au même endroit, c’est-à-dire au nord de la Biélorussie, non pas donc, comme on l’avait cru, par rounds, qui sont au nombre de trois jusqu’à présent, le quatrième étant à venir. Est-ce parce que les propos de Vladimir Poutine tombaient au plus mauvais moment qu’ils n’ont pas suscité l’intérêt des médias et des parties concernées, qui du coup ne se sont pas interrogés sur leur signification ? La question se pose, même si selon toute apparence l’explication réside ailleurs, dans le fait que ce que le président russe appelle un progrès dans la négociation ne peut être qu’une mauvaise nouvelle pour les Ukrainiens et leurs alliés occidentaux. En l’occurrence leur désintérêt vaut démenti, sans avoir rien à assumer. Maintenant rien n’empêche d’élargir la vue, et de considérer que les pourparlers dont il s’agit ici ne renvoient pas seulement à ceux qui se tiennent directement entre les belligérants, à ce jour à leur troisième round, mais à tout ce qui s’échange depuis le début du conflit entre les parties intéressées, et qui elles sont en bien plus grand nombre.
En ce sens, les progrès dont a parlé le président russe peuvent avoir été obtenus ailleurs qu’entre les deux délégations russe et ukrainienne. Ils peuvent surtout avoir été négatifs, au sens où une demande a été faite qui a été rejetée sans appel par ceux à qui elle a été adressée. Au sens positif, des progrès en cette matière seraient par exemple des concessions mutuelles de faites et d’entérinées. Il est douteux que ceux auxquels pense Vladimir Poutine soient de cette nature. Pour lui, les progrès les plus significatifs sont sûrement ceux qui reviennent à éliminer une bonne fois pour toutes des évolutions possibles du conflit, susceptibles quant à elles de le modifier grandement, de le transformer en quelque chose d’autre, en un conflit d’une autre dimension, mondiale peut-être. Or il est des demandes ukrainiennes en direction de l’Otan et de l’Europe dont le rejet par eux est décisif pour la suite des événements. Ce ne peut être que de grands progrès dans la négociation que les trois refus que vient de subir Kiev de la part de ses alliés : celui relatif à la zone d’exclusion aérienne, celui de l’envoi d’avions russes appartenant à la Pologne, et enfin celui portant sur l’accélération du processus de son intégration à l’Union européenne. Trois non catégoriques dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils affaiblissent son pouvoir de négociation directe ave Moscou. Que lui reste-t-il après cela, sinon se battre jusqu’au bout contre une force supérieure de loin à la sienne, au risque de tout perdre au bout du compte, jusqu’à l’indépendance, ou bien passer par les fourches caudines de l’ennemi, en vue de sauver ce qui peut l’être encore. Les trois refus de l’Otan sont en fait un abandon, sinon une trahison. Maintenant qu’ils ont été assénés, les Ukrainiens vont devoir se montrer plus conciliants, a pensé le président russe, pour qui cela ne peut être qu’une franche avancée dans la bonne direction. Le coup de grâce peut bien avoir été porté par Josep Borell, le chef de la diplomatie européenne, qui vient d’admettre que ce fut une erreur de promettre à l’Ukraine son intégration à l’Otan.