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vendredi 31 mars 2023

Les Russes se retirent de Kherson

 

Cela fait au moins un mois que les Russes sont occupés à évacuer la population de Kherson, la faisant passer de la rive droite du Dniepr à la rive gauche, et que le monde entier, amis comme ennemis, les observe en se demandant à quoi veulent-ils en venir ce faisant. Se préparent-ils à livrer dans cette ville, devenue russe, une bataille décisive, implacable, dans le genre Stalingrad, et que pour ne pas avoir à se préoccuper du sort des civils, ils ont estimé que le mieux c’est justement de la sortir du champ de bataille, de la mettre en lieu sûr ? S’apprêtent-ils au contraire à se retirer avec armes et bagages de cette ville, qu’ils occupent depuis le début de la guerre, en faisant en sorte de ne pas laisser derrière eux une population dont une partie au moins a pris part au référendum de rattachement à la Russie, et qui pour cela court le risque d’être traitée en traître par les Ukrainiens, une fois ceux-ci redevenus maîtres des lieux ? Si personne ne se risquait à répondre à cette question, pas même les Britanniques, qui souvent ont pris les devants pour dire ce que tramaient les Russes, c’est que ces derniers s’arrangeaient pour faire une chose et son contraire. C’est ainsi qu’en même temps qu’ils évacuaient la population, ils faisaient venir d’autres forces, comme si leur véritable intention était de tenir la position coûte que coûte. Même maintenant qu’ils ont annoncé officiellement leur retrait, personne ne semble les croire, en tout cas pas les Ukrainiens, qui se gardent de se précipiter dans Kherson, dans la crainte de tomber dans un piège. Ni à ce qu’il semble les Britanniques, devenus tout à coup silencieux. Voilà qui du moins prouve que si les Russes se retirent, ce n’est pas parce qu’ils sont poussés dehors par une offensive ukrainienne irrésistible, mais parce qu’ils l’ont bien voulu, et prenant en cela tout leur temps. Sans doute les forces ukrainiennes ne sont-elles pas loin, mais tant qu’elles n’ont pas acquis la certitude que tous les militaires russes sont partis, qu’une partie d’entre eux n’est pas restée déguisée en civils, par exemple. Leur président Volodymyr Zelensky a dit, à l’annonce russe du retrait, qu’il n’était ni dans la nature des Russes ni dans celle de la guerre que l’ennemi vous fasse des cadeaux. Une façon comme une autre de dire que ce retrait-ci tout particulièrement lui en revanche est un cadeau, ou du moins il y ressemble. Les Russes n’étaient pas obligés de quitter Kherson, comme il y a quelque temps ils avaient fui Izioum, par peur de s’y trouver encerclés. Deux explications se présentent relativement à ce retrait volontaire. La première est celle-là même que donnent les Russes : tenir Kherson s’avère difficile et coûteux sur le long terme. Il vaut mieux dans ces conditions se replier sur la rive gauche du Dniepr, où les questions logistiques sont plus faciles à résoudre. D’autant que l’intérêt de Kherson n’est pas dans ses murs mais dans le fleuve qui la baigne, et qui lui peut être aussi bien être gardé depuis l’autre rive. La deuxième explication est quant à elle juste une hypothèse, qui n’est pas gratuite cependant. Si personne n’a crié victoire cette fois-ci du côté occidental, à l’exception notable de Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan, qui lui a parlé de nouvelle défaite humiliante pour les Russes, c’est peut-être parce que le retrait de Kherson a fait l’effet d’un gage de bonne volonté de la part des Russes dans la perspective d’une solution négociée au conflit. Ce qui implique qu’il était attendu, et sinon lui exactement un autre geste de même inspiration.

 

Mohamed Habili

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