Un journal ukrainien ayant parlé récemment d’une nouvelle offensive russe qui serait en préparation, faisant suite à ce qu’il estime être une pause, voilà que tout le monde s’attend à son déclenchement, comme si c’était là une information avérée, ou, mieux encore, une annonce faite par les Russes eux-mêmes. Désormais tout ce que ces derniers disent ou font est présenté dans les médias occidentaux, mais aussi dans ceux qui s’en inspirent, comme une confirmation de cette attaque d’envergure. Celle-ci ne se ferait pas, croit-on savoir, sur un front plutôt que sur un autre, mais dans toutes les directions à la fois, et de façon plus large encore qu’au début de la guerre, quand les Russes semblaient vouloir prendre toutes les villes ukrainiennes à la fois. Le ministre russe de la Défense ayant ordonné lors d’une visite d’inspection de faire en sorte que les forces ukrainiennes ne soient plus en capacité de bombarder les populations russes proches des zones de combat, c’est à peine si on n’y a pas vu le coup d’envoi officiel de l’offensive en question. Le fait est qu’il ne se passe rien aujourd’hui dans cette guerre qui soit tout à fait nouveau. Les villes qui sont sporadiquement bombardées, Kharkiv, Odessa, Kiev, pour ne citer que ces trois-là, l’ont été en réalité depuis le début de la guerre.
On ne peut même pas affirmer qu’elles le soient davantage ces derniers jours, ce qui le cas échéant préluderait en effet à une nouvelle grande offensive. Mais supposons malgré tout qu’une phase de la guerre se termine et qu’une autre se prépare à commencer, la pause permettant de les distinguer se situant justement au beau milieu, conformément au schéma qu’on veut à tout prix accréditer. Ces derniers jours, un seul élément est en réalité nouveau, en plus d’être remarquable, qui ne soit pas en contradiction avec ce pronostic : la décision prise par le président russe d’accorder les mêmes facilités à tous les Ukrainiens, où qu’ils soient en Ukraine, en vue de l’obtention de la nationalité russe. Il se trouve que ce fait à la fois nouveau et inattendu n’est pas militaire, en tout cas ne l’est pas essentiellement. Le fait pour un pays en guerre avec un autre, même si ce n’est pas là le langage dont lui se servirait, d’offrir sa nationalité aux habitants de ce dernier, laisse penser que son intention est bien de s’en emparer dans sa totalité. Ceux qui croient voir côté russe les préparatifs d’une nouvelle offensive peuvent n’avoir rien d’autre à l’appui de leur assertion. Or, même à supposer que ces préparatifs soient réels, ils peuvent l’être non pas dans la perspective d’une offensive mais en prévision d’une attaque ennemie. Pour l’heure, les Ukrainiens se concentrent sur Kherson, se faisant fort de la reprendre. Il n’en faut pas plus pour que les Russes songent à se donner les moyens de les tenir en respect. Ce qui pourrait les amener à repartir à l’offensive dans cette partie de l’Ukraine, comme dans d’autres d’ailleurs, étant donné que sur tous les fronts force leur sera de défendre leurs gains. Ils ne pourront se reposer que si toute l’Ukraine est annexée, ou que si tout entière elle est solidement replacée dans son orbite. A moins de cela, elle restera l’écharde de l’Otan plantée dans son flanc occidental.