Parce qu’une première année de guerre en Ukraine se terminait et qu’une deuxième commençait, le président américain et le chancelier allemand ont eu une rencontre à la Maison-Blanche, à l’issue de laquelle ils ont mis l’accent sur leur détermination à continuer de faire supporter à la Russie les coûts les plus sévères possibles et aussi longtemps qu’il serait nécessaire pour ses méfaits en Ukraine. Voilà un engagement qui n’est pas nouveau, et qui vraisemblablement n’aurait pas mérité à lui seul qu’Olaf Scholz traverse l’Atlantique juste pour pouvoir le renouveler en duo avec Joe Biden, bien que les anniversaires comptent et qu’il faille pour cela les marquer de quelque façon, pas nécessairement la plus innovante d’ailleurs. Comme il a été aussi question entre les deux hommes de la possibilité que la Chine franchisse le Rubicon en livrant des armes (létales tiennent à préciser les Américains, comme s’il y en a qui ne le sont pas) à la Russie, la question se pose de savoir si en fait Scholz n’a pas fait le long déplacement pour parler de ce qui ferait l’effet d’un tournant dans la guerre s’il se réalisait, plutôt que pour adresser une énième mise en garde à la Russie, qui pas plus que les autres ne serait écoutée.
Ce dont semblait avoir besoin le président américain, c’est d’entendre le chancelier allemand lui donner l’assurance que pour lui aussi cette éventualité serait inacceptable. Que ce serait vraiment de la part des Chinois franchir une ligne rouge, ce qui ne laisserait d’autre choix le cas échéant que de sévir contre eux, et avec la même sévérité qu’envers les Russes. Jusque-là, pourtant, les Américains ne disent pas que les Chinois sont déjà coupables de livrer des armes à la Russie, mais seulement coupables d’y penser. Les Chinois y auraient pensé dans le secret de leur cœur, et on ne sait trop comment les Américains s’en seraient aperçus. A la façon dont ils le disent et le répètent, on serait peut-être porté à les croire, s’ils n’avaient pas menti si souvent dans le passé, et qu’en conséquence personne n’ait envie d’être à nouveau leur dupe. Pour ce qui de la crédibilité, il y a longtemps qu’ils ont mangé leur pain blanc. Biden a-t-il même été cru par Scholz ? La question se pose d’autant plus que laissé à lui-même il ne lui viendrait pas à l’idée de prendre des sanctions contre la Chine, après en avoir pris contre la Russie, l’économie de son pays pouvant ne pas s’en relever après cela. Ses réserves de gaz sont pour l’heure pleines, soit, mais de gaz russe. Le seront-elles l’année prochaine, l’hiver prochain, alors que les Nord Stream ont été sabotés, par l’ami américain selon toute évidence ? Une Allemagne qui adopte des sanctions au lieu de faire du commerce, continuerait-elle à avoir une industrie, et qui reste compétitive ? Elle a pris des sanctions contre la Russie et la voilà maintenant qui promet sous la contrainte d’en prendre s’il le faut contre la Chine, alors que c’est contre les Etats-Unis, qui lui ont causé un tort bien réel lui, qu’elle devrait en prendre. Mais il faudrait pour cela être un pays indépendant. Pour être sûr d’obtenir la même garantie de la part des autres alliés, Biden a invité à la Maison-Blanche le plus faible d’entre eux politiquement mais le plus fort économiquement. Si l’Allemagne dit oui, la France ne pourra que suivre son exemple. Si bien qu’à la fin, c’est toute l’Europe qui se dressera comme un seul pays contre la Chine. La voilà avertie des conséquences des actes qu’elle ose envisager. Pour avoir quelque chose à vous reprocher, les Etats-Unis n’ont pas besoin que vous le fassiez, il leur suffit que vous y pensiez.