Dans moins d’une semaine maintenant, la guerre en Ukraine bouclera son huitième mois, sans qu’il soit possible d’en voir une fin prochaine, ni même un apaisement dans les combats, qui au contraire vont s’exacerbant. Cette perspective est en fait plus lointaine pour l’heure qu’elle ne l’était lorsque le conflit commençait, le 24 février dernier. Dans les jours à venir, elle pourrait même s’être éloignée davantage. C’est là d’ailleurs l’hypothèse la plus probable, les belligérants, qu’ils soient engagés directement ou par procuration, se montrant plus déterminés que jamais à emporter la décision. Pour autant, tout reste possible, y compris un complet renversement de tendance, de sorte que ce qui semble pour l’heure se situer hors du champ du possible puisse y faire son entrée sans crier gare. En huit mois la guerre est déjà passée par plusieurs étapes, chacune d’entre elles disposant de ses propres critères de succès et d’échec. Lorsque les forces russes avaient battu en retraite alors qu’elles se trouvaient à la périphérie de Kiev, comme dans l’intention d’y entrer, on savait qui avait remporté la victoire et qui par contre avait été défait. Mais la guerre allait bientôt changer de visage, en même temps qu’elle donnait l’avantage à la Russie, au grand dam des Ukrainiens et de leurs alliés occidentaux, qui croyaient avoir pris le dessus sur elle une bonne fois pour toutes.
Puis est venue la contre-offensive ukrainienne, qui elle aussi n’était pas bien difficile à apprécier sous l’angle des gains et des revers. Tout territoire repris aux Russes, parmi ceux qu’ils avaient conquis, était une victoire pour les Ukrainiens, et tout autre que les Russes ont conservé, une défaite pour les Ukrainiens. Le bilan final était vite fait. Mais aujourd’hui que les lignes se sont à nouveau figées, comment s’y reconnaître ? Les Ukrainiens lancent offensive sur offensive sur Kherson, sans pouvoir reprendre la ville, même s’ils sont déjà parvenus à rogner ses bords. Ils butent à cet endroit sur une résistance dont les Russes n’ont pas fait preuve ailleurs, dans d’autres villes, notamment au nord-est. En revanche, les Russes avancent dans Bakhmout, dans cette même région du Donbass où auparavant ils avaient dû céder du terrain. Les Russes ont cependant commencé à évacuer la population de Kherson, comme s’ils n’excluaient pas d’être débordés par le nombre des Ukrainiens, comme cela leur était arrivé ailleurs, à Izioum en particulier, et de se trouver par suite dans l’incapacité d’assurer sa défense. S’ils perdaient Kherson, ce serait là une défaite majeure, la plus importante qu’ils aient subie depuis le début du conflit. La perte de Kherson, si elle devait se produire, annoncerait celle de la Crimée, ce qui rendrait la défaite russe quasi inéluctable. On n’en est pas là, la guerre pouvant encore se retourner. Reste qu’il y a des batailles qu’une armée ne peut se permettre de perdre sans courir le risque de tout perdre. Ce qui est vrai pour les Russes dans le cas de Kherson est vrai pour les Ukrainiens s’agissant d’Izioum. Non qu’Izioum revête pour ces derniers la même valeur stratégique que Kherson pour les premiers. Mais sa reprise par les Russes serait un signal fort de son retour en force, de sa supériorité militaire non seulement sur l’Ukraine, ce qui allait de soi jusqu’à ces derniers temps, mais sur l’Otan, impliquée jusqu’au cou dans cette guerre, et à qui finalement il ne manque que de la déclarer dans les formes.