L e feuilleton des chars à fournir d’urgence à l’Ukraine se poursuit sans faiblir, déroulant ses péripéties, ménageant ses rebondissements dans une progression dramatique si bien réglée qu’on y croirait, n’étaient quelques invraisemblances et des mensonges qui ne passent pas. Aux tout derniers développements, ce sont les Américains dont les Russes nous apprennent qu’ils sont en train de démarcher des pays d’Amérique du Sud à la recherche d’armement russe que ceux-ci seraient disposés à leur céder en échange d’armes américaines, à moins que ce ne soit contre des dollars sonnants et trébuchants. Les T-72, des chars évidemment, seraient particulièrement recherchés par eux. On ne sait pas si c’est contre leurs Abrams que les Américains sont prêts à les prendre, ces même chars dont un membre de premier plan du Pentagone a dit, pour dissuader les Ukrainiens de les demander, qu’ils sont très compliqués, difficiles à manier et à entretenir, qu’ils roulent au carburant d’avion, dont ils consomment une quantité phénoménale au kilomètre. Mais s’ils étaient aussi encombrants, les Polonais en voudraient-ils au point de se dire prêts à les troquer contre des Lepoard allemands, et sur-le-champ s’il le faut ?
D’autres encore n’excluent pas que les Américains refusent de donner leurs chars dans l’intention d’obliger leurs alliés à livrer leurs Leopard, qui alors sûrement se feront brûler par les Russes. Tant et si bien qu’à la fin il n’en restera plus. Alors le marché des chars se réduira en Occident à un seul produit, les Challenger britanniques et les Leclerc français ne pouvant soutenir la concurrence avec les Abrams. Maintenant que les Américains sont demandeurs de matériel russe, il ne serait pas étonnant qu’ils finissent par se tourner vers des pays comme l’Algérie, et d’autres encore dont les arsenaux sont pour l’essentiel constitués d’armement russe. Il semble d’ailleurs qu’ils se soient déjà adressés à des pays proches d’eux, comme le Maroc, qui eux non plus n’en sont pas dépourvus. Il faut donc croire que les anciens pays du Pacte de Varsovie et maintenant membres de l’Otan ont épuisé leurs propres stocks à force de prélèvements au cours de ces onze mois de guerre. On peut voir maintenant à quoi les Russes les ont occupés : à laminer les capacités ukrainiennes, tant en matériel qu’en hommes. C’est qu’il ne sert à rien de se soumettre un pays infesté d’ennemis, car il sera reperdu. A la différence d’un pays qu’on aura préalablement pris soin de vider de sa substance, de dénazifier, pour parler comme les Russes. Cela dit, ceux-ci étaient prêts à faire la paix les premiers temps de la guerre, si les Ukrainiens ne s’étaient pas laissé convaincre par les Américains et les Britanniques de se retirer des négociations menées sous médiation d’abord bélarusse, ensuite turque. Cette première chance ayant tourné court, les Russes ont changé d’optique, estimant dès lors qu’il leur fallait créer les conditions d’une paix durable. Les effets en sont désormais visibles. L’heure de l’offensive sonnera bientôt, et rien du côté ukrainien ni pour soutenir le choc de celle à laquelle se préparent les Russes, ni pour y aller de la leur propre. Et les Américains qui font du porte-à-porte en quête d’armement russe, le seul que connaissent les Ukrainiens, et probablement le seul qui soit adapté à la terre d’Ukraine.