Si le FLN devait s’en sortir une fois de plus, ce ne serait pas dans le présent par le fait du prince, comme il y a maintenant plus de deux décennies, avec l’arrivée au pouvoir de Abdelaziz Bouteflika, qui l’avait sauvé d’une mort quasi-certaine, mais par la mobilisation de ses électeurs, s’il en a bien sûr. Qu’il s’agisse d’un parti politique ou de n’importe qui d’entre nous, les vrais amis, on ne sait qu’on en a ou qu’on n’en a pas que dans les situations particulièrement difficiles. Le moment est venu pour ceux du FLN de se manifester, non seulement pour le maintenir en vie mais pour lui donner la victoire. Car dans son cas tout au moins, obtenir un bon score alors que tout le pousse vers une défaite monumentale, pourrait très bien ne pas suffire. Il lui faut encore apporter la preuve qu’il mérite de continuer de porter le nom prestigieux qu’il s’est donné. Quand on s’appelle le FLN, on ne peut être que le premier, ou que la principale force politique, comme il a aimé à s’appeler lui-même à l’ère du multipartisme. S’il arrive en deuxième position, ou plus bas encore, que ce soit par rapport à un parti du même courant que lui ou par rapport à un parti islamiste, il risque de se trouver devant la cruelle alternative soit de changer de nom soit de se retrouver au musée en quelque sorte avec armes et bagages.
On peut donc dire que le FLN n’a d’autre choix que de remporter les législatives qui viennent. Comme il en a connu d’autres, et peut-être de plus pénibles encore, il n’est pas interdit de penser qu’il réussisse ce coup de force en dépit de tout ce qui a travaillé à sa perte au cours de ces deux dernières années, en premier lieu l’emprisonnement de deux de ses ex-secrétaires généraux. Aux dernières législatives, celles de 2017, il avait engrangé plus d’un million et demi de voix, qui lui avaient donné 161 sièges, sur une majorité de 231, l’APN en comptant alors 462. Il peut maintenir son rang avec un résultat moindre. Chose qu’il peut assurer vraisemblablement avec seulement un million de voix. Car même en imaginant le MSP et le RND en forte progression par rapport à 2017, ils s’étaient situés nettement loin derrière lui à cette occasion, tout particulièrement le premier, qu’il faut qu’une sorte de tectonique des plaques se soit produite dans l’intervalle pour que le rapport de force en soit bouleversé, faisant passer notamment le bloc nationaliste sous celui de l’islamisme. Voilà qui nous ramène à la question de savoir si le hirak est en définitive une agitation de surface ou une lame de fond. On se rappelle peut-être la réponse donnée à cette question ici même. Si ce mouvement avait été une lame de fond, rien ne l’aurait arrêté, et moins encore la répression. Il se trouve qu’il est maintenant complètement retombé, après avoir tourné en rond depuis son entrée en scène. A quoi reconnaît-on une révolution, y compris à ses débuts ? A l’apparition d’un phénomène décelable entre tous : la dualité du pouvoir. Face au pouvoir existant, un autre commence déjà à prendre forme adossé à un mouvement de contestation irrépressible parce que de grande ampleur. On ne peut dire cela du hirak, même si pour le nombre des manifestants, il avait pu quelquefois faire illusion. Si aucune révolution ne s’est produite, si même aucune ne s’est amorcée, alors il n’y a aucune raison de penser qu’un bouleversement est intervenu dans l’opinion nationale. Si celle-ci était auparavant structurée par le clivage opposant le nationalisme à l’islamisme, il devrait en être de même aujourd’hui. Mieux, le rapport de force entre ces deux courants majeurs n’a pas pu changer dans ces conditions. Il doit être resté le même quant à l’essentiel, du moins en théorie.