Précédée par le premier sommet du Quad (une alliance politique regroupant les Etats-Unis, l’Inde, le Japon et l’Australie, dont le but clairement affiché est de contrebalancer la montée en puissance de la Chine), la rencontre d’Anchorage en Alaska d’il y a deux jours, entre diplomates américains et chinois emmenés par leurs chefs respectifs, ne pouvait être que glaciale, sinistre même. De fait, le langage de la diplomatie n’y a guère été à l’honneur, ainsi que tout le monde a pu s’en rendre compte au cours de la première demi-heure passée en présence des journalistes. On n’imagine pas que l’atmosphère se soit détendue après leur sortie. Du côté des Américains, l’heure était à la mise en garde et à elle seule. Ils ont fait venir les Chinois dans le moins hospitalier, le plus extrême de par sa nature de leurs Etats pour leur dire qu’il faut qu’ils changent de tout au tout, car l’Amérique a une nouvelle administration, dépourvue du laxisme de la précédente, et sa patience est à bout. Ou la Chine entend raison, ou bien eux et leurs alliés asiatiques la forceront à se recouler dans l’ordre mondial inchangé. Le temps des seules mesures commerciales de rétorsion à son encontre est révolu. Biden n’est pas Trump, qu’elle le sache.
Il y aura à partir de maintenant un prix à payer pour elle chaque fois qu’elle sort du droit chemin, qu’il s’agisse d’une atteinte à la sécurité d’un allié des Etats-Unis, d’une violation des droits de l’homme à l’intérieur de ses frontières, ou du non-respect d’une règle commerciale universelle. Elle n’a pas plus droit à rien désormais, en tout cas à aucun des abus sans lesquels elle ne serait pas aujourd’hui à menacer le leadership des Etats-Unis. La réponse des diplomates chinois a été pour signaler que ce langage de la part des Américains retarde par trop sur les mutations survenues depuis quelque temps dans le monde, qu’ils ne sont plus en capacité de le tenir, qu’ils se ridiculisent chaque fois que l’habitude, cette seconde nature, les y ramène. Le temps est révolu où ils peuvent imposer leur ordre par la double hégémonie, celle des armes et celle de leur monnaie. Il faut être sénile pour croire qu’on peut encore hausser le ton avec la Chine. Des deux pays, ce n’est pas elle qui a le plus peur. Celui qui a peur, c’est celui qui bat le rappel de ses alliés dans la région et hors d’elle, et fait déjà étalage de sa force. Encore faut-il relever que pour que cet échange plutôt surréaliste ait pu avoir lieu, il a fallu quand même se rencontrer. Les Etats-Unis et la Chine se parlent encore, même si c’est pour se menacer. En revanche, depuis que Biden a qualifié Poutine de tueur, une rencontre entre Russes et Américains n’est pas possible, quand elle se tiendrait encore plus au nord, même exactement au pôle nord. On connait la réplique de Poutine : on juge les autres selon ce qu’on est soi-même. Les autres Russes s’étant exprimés après l’insulte faite à leur président ont été beaucoup moins allusifs, qui y ont vu une preuve supplémentaire de la sénilité de Biden. Un chef d’Etat qui commence son mandat en insultant un homologue, et non des moindres, d’après eux ne peut pas avoir toute sa tête. Les chefs des deux Etats les plus nucléarisés ne peuvent plus se parler, à moins que le provocateur ne fasse des excuses, ce qui ne semble guère être son intention. Biden n’est à la Maison-Blanche que depuis deux mois, et le voilà déjà dans les plus mauvais termes avec la Chine et la Russie.