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vendredi 19 avril 2024

Le Soudan est-il en révolution ?

La mobilisation dans le pays comme à l’échelle internationale en faveur à la fois de la libération des détenus politiques soudanais, dont en premier lieu celle du Premier ministre Abdallah Hamdok, placé en résidence surveillée depuis le 25 octobre, et du gouvernement civil, ayant commencé à porter ses fruits, on devrait pouvoir mieux se reconnaître dans ce qui se joue au Soudan depuis le renversement de Omar el-Bachir en avril 2019. L’accord passé entre le Premier ministre rétabli dans ses fonctions, et l’armée, représentée par son chef, Abdelfattah al-Burhan, le chef d’Etat de facto, n’est pas particulièrement éclairant à lui tout seul. Et pour cause, il signifie aussi bien un retour à l’avant-25 octobre qu’une nouvelle distribution du pouvoir entre les deux composantes civile et militaire du pouvoir, à l’avantage d’ailleurs des militaires, ne serait-ce que parce que les organisations, politiques et syndicales, ayant mené le mouvement de révolte ont été écartées du gouvernement. Leur première réaction a d’ailleurs été, tout au moins pour les plus importantes d’entre elles, le rejet sans appel de l’accord conclu dimanche entre Hamdok et al-Burhan. Jusqu’à celui-ci, elles se considéraient comme parties prenantes de la transition amorcée en 2019, et censée déboucher au bout d’un temps se comptant en mois sur un régime où l’exercice du pouvoir serait l’apanage des civils.

Ce n’est plus le cas maintenant, ayant perdu confiance à la fois dans les militaires et dans Hamdok, qui à leurs yeux a changé de camp. A l’annonce de l’accord, des protestations ont éclaté dans la capitale, mais aussi ailleurs dans le pays. Pour autant, tous les Soudanais ne sont pas contre le réaménagement de la transition tel qu’il vient de se produire. Il y en a qui au contraire le soutiennent. Pour l’heure, il serait difficile de juger du rapport de force entre les deux camps. Nul besoin de se donner cette peine d’ailleurs, du moment que les jours qui viennent ne manqueront pas de nous éclairer à cet égard. En fait, c’est seulement à partir de maintenant qu’il sera possible de répondre à la question de savoir si le Soudan est ou non depuis deux ans engagé dans un processus révolutionnaire réel. Des premières manifestations contre la cherté de la vie fin 2018, en passant par le renversement d’el-Béchir en 2019, puis par la première période de transition, ayant pris fin le 25 octobre dernier, jusqu’au retour de Hamdok il y a quelques heures, on peut dire que c’est une réforme du système politique soudanais qui s’est développée. Une nouvelle phase de même nature commence aujourd’hui même, la première ayant été arrêtée net par les militaires. Si le Soudan est animé dans son tréfonds par une révolution véritable, ce n’est qu’à partir de maintenant qu’il devient possible de le savoir avec certitude. Il y a toujours deux temps bien distincts dans une révolution : le premier est celui de la réforme, et le second, si la réforme échoue pour une raison ou pour une autre, celui du changement véritablement révolutionnaire. Le Soudan est encore dans la réforme, dans le premier round, celui de l’observation, de la tentative de réforme pour justement barrer la route à la révolution. On ne saura qu’en fait il est soulevé par celle-ci que si la rue fait avorter la deuxième phase de transition. Y parviendra-t-elle ? Il n’y a aucun moyen de le savoir par avance. Mais s’il s’avère qu’en effet le Soudan est emporté par une force qui le dépasse, alors on saura que sa révolution a commencé, mais pas encore où elle va le mener. Une chose est néanmoins certaine : une révolution ne se contentera pas d’enlever le pouvoir aux militaires pour le donner aux civils. Une révolution n’éclate pas pour si peu.
M. H.

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