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mardi 16 avril 2024

Le sabotage de Nord Stream, un mois plus tard

Le sabotage de Nord Stream, 1 et 2 – encore que d’après les Russes un tube sur les quatre que comporte les deux gazoducs soit indemne – pour appeler les choses par leur nom, s’est produit le 26 septembre dernier. On dira les fuites de Nord Stream, si l’on veut éviter d’avoir l’air de savoir qui en est l’auteur. Des deux désignations, c’est pourtant la première qui tout de suite a prévalu, même si un mois plus tard, le mot sabotage devient plus difficile à prononcer en Occident, pour la bonne raison qu’il n’est pas neutre. Il l’est si peu en fait qu’il sert plus à porter une accusation qu’à nommer un acte répréhensible, que pour leur part les Russes, ses victimes, n’ont guère tardé à qualifier de terrorisme international. Ce sont les Suédois et les Finlandais qui se sont servis, comme sous le coup de l’émotion, de ce gros mot de sabotage, dans les heures ayant suivi l’information, donnée par eux du reste, qu’une baisse de tension importante a été constatée sur les deux gazoducs Nord Stream. Une image aérienne impressionnante, qu’ils ont ensuite diffusée, montrait l’étendue des dégâts, en forme d’une énorme nappe de gaz blanche, qui sourdait du fond de la mer Baltique, où il faudrait descendre pour colmater les brèches.

Les Russes n’auraient pas mieux demandé que d’y aller, seulement ils n’y étaient pas autorisés par la Suède et la Finlande, qui n’entendaient pas non plus les associer à l’enquête. Un mois plus tard, à ce qu’il paraît ils ne s’entendent plus ni entre eux deux, ni eux deux ensemble avec l’Allemagne, dont ils avaient semblé admettre dans un premier temps la participation à l’enquête. Pour l’heure donc, chacun des trois fait cavalier seul, rien de plus ne lui faisant obligation de partager avec les deux autres ce qu’il pourrait découvrir de son côté, dans le même temps que le terme de sabotage tend à se raréfier dans les principaux médias occidentaux. Dernièrement, au cours de sa conférence de presse à l’issue du sommet européen, le président français a fait preuve d’une certaine impatience à l’égard de l’ami américain, qui vend son gaz aux Européens 3 à 4 fois plus cher que chez lui, à ses propres nationaux. Cette inégalité de traitement, cette dualité de prix, a-t-il dit en termes plutôt explicites, n’est pas acceptable. Comprendre : elle doit cesser, elle n’est pas durable, les Américains ne pouvant pas continuer indéfiniment à engranger en matière de gaz des surprofits sur le dos de leurs alliés européens. On sait que les Européens accusent les Russes de faire du gaz une arme de guerre. N’est-ce pas qu’en termes plus galants, Emmanuel Macron fait le même reproche aux Américains ? Tous les Européens n’iraient pas jusqu’à protester comme lui, sans doute, mais combien en revanche sont-ils à penser dès à présent comme lui, et qui à l’occasion le font savoir ? Plus d’un, sûrement. Ils pourront être plus nombreux si les pays en charge de l’enquête arrivent à la conclusion que tout le monde subodore fortement dès le départ, à savoir que ce sont bien les Américains qui ont saboté Nord Stream, et qu’ils l’ont fait pour éliminer un concurrent bien mieux placé qu’eux pour s’imposer sur le marché européen du gaz. Certes, on a de la peine à imaginer les événements prendre cette tournure radicale dans le contexte d’une guerre que les Européens tiennent par-dessus tout à gagner, ce qui serait impossible sans les Américains. S’il y avait moyen de faire porter le chapeau aux Russes, c’est-à-dire aux victimes, ce serait bien sûr l’idéal. Le problème, c’est qu’il n’y aurait pas grand monde, ne serait-ce que pour faire semblant d’y croire, à part les ennemis jurés des Russes, prêts quant à eux à relayer toute accusation portée contre eux, même la plus extravagante. Reste qu’il faut un jour ou l’autre rendre publiques les conclusions de l’enquête, et cela sans nuire ni aux relations stratégiques avec les Etats-Unis ni à sa propre crédibilité. Voilà une équation qui n’est pas facile à résoudre.

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