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vendredi 29 mars 2024

Le plan de paix de Kissinger signifié à l’occasion de son centenaire

Sur un point essentiel, relativement à la guerre en Ukraine, Henry Kissinger, qui a fêté hier samedi son centième anniversaire, n’a pas varié : la véritable cause du conflit armé actuel réside bien dans la volonté américaine d’attirer l’Ukraine dans l’Otan, et que ce fut là une erreur, et pas n’importe laquelle, mais celle dont tout procède comme de source. Là où par contre son opinion a évolué, sinon a changé, c’est qu’il ne pense plus que la sortie de crise a pour première condition l’abandon jusqu’à l’idée même de cette admission. Pour lui, l’invasion même de l’Ukraine par la Russie, mais plus encore l’entrée de la Suède et de la Finlande dans l’Otan, enlèvent toute signification à un quelconque retour en arrière. Il ne semble pas qu’il l’ait jamais dit en ces termes, ou même en des termes comparables, mais à l’évidence ses propos autorisent cette interprétation : la guerre ayant commencé, ce qu’il importe avant tout, c’est de la gagner, peu importe qu’elle-même ait été la conséquence d’une ou de plusieurs erreurs dont les effets se seraient accumulés.

Car si elle est perdue, c’est l’Otan même qui sera en danger de décomposition ; ce qui risquera alors de disparaître en effet, ce n’est plus seulement l’Etat ukrainien mais le cadre même dans lequel il aspire à s’insérer. Entendre par là : c’est l’hégémonie américaine elle-même qui aura vécu. La guerre crée une situation nouvelle, de sorte que ce qui aurait dû être évité dans le passé devient maintenant une obligation, peut-être même une urgence, à la fois pour l’Ukraine et pour l’Otan. Pour l’Ukraine, parce qu’il s’agit de lui assurer la protection sans laquelle c’en est fini d’elle en tant qu’état souverain. Une protection que seule est capable de lui apporter sa qualité de membre de l’Otan. Pour l’Otan, parce que ce n’est qu’en faisant place à l’Ukraine en son sein qu’elle pourra l’empêcher de prendre plus tard une initiative conduisant à une généralisation de la guerre. Cette intégration s’impose d’autant plus que l’Ukraine appartient déjà au camp occidental. Mais aussi longtemps qu’elle y sera sans y être dans les formes requises, comme elle-même le demande, elle n’est pas à cent pour cent contrôlable. Ici, il est possible d’être plus explicite que Kissinger : l’Ukraine est plus dangereuse pour l’Otan dehors que dedans. Si l’Otan ne veut pas être entraînée dans une guerre avec la Russie par une espèce d’effet mécanique, si elle entend rester maître de son destin, il faut qu’elle ait tout le temps l’Ukraine dans la main, c’est-à-dire en son sein. Alors seulement, les Etats-Unis seront sûrs qu’elle ne commettra pas l’irréparable, quand son but serait seulement de forcer la porte de l’Otan. Sachant que les interventions de Kissinger n’ont pas pour but d’attiser le conflit mais au contraire de l’atténuer, en attendant qu’il soit possible de le dépasser, ce ne serait pas forcer sa pensée que de dire que cette proposition n’est pas seulement à l’adresse de Washington, mais également à celle de Moscou, ce qui probablement n’échappera pas à celui-ci. Kissinger peut bien vouloir dire que désormais l’intégration de l’Ukraine dans l’Otan n’est pas une bonne chose seulement pour les Occidentaux mais également pour la Russie, étant donné qu’elle non plus n’a rien à gagner mais au contraire tout à perdre d’une guerre avec l’Otan. L’Ukraine voulait-elle avant tout devenir membre de l’Otan ? Ce serait chose faite si la proposition Kissinger était traduite dans la réalité. En échange, la Russie pourrait non seulement garder la Crimée, à charge pour elle toutefois de rendre les autres régions ukrainiennes annexées, mais voir son occupation de fait reconnue par la communauté internationale.

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