Les cours du pétrole ont de nouveau progressé vendredi, à la faveur
d’achats de couverture avant un long week-end férié aux États-Unis, le marché n’écartant pas un accord européen sur la suspension des importations russes dans les prochaines heures. Le prix du baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en juillet a engrangé 1,72 %, pour clôturer à 119,43 dollars, soit son plus haut niveau depuis début mars. Quant au baril de West Texas Intermediate (WTI) américain, également pour juillet, il a gagné 0,85 %, à 115,07 dollars, hauteur qu’il n’avait plus atteinte depuis début mars et un sommet sur 13 ans. «Les gens sont nerveux à l’idée qu’il pourrait y avoir un compromis de l’Union européenne sur le pétrole russe», a expliqué Michael Lynch, président du cabinet Strategic Energy & Economic Research (SEER). «Ils ne veulent pas se retrouver à découvert», c’est-à-dire avec une position à la baisse, car un accord serait de nature à doper les cours de l’or noir. Mercredi, le président du Conseil européen, Charles Michel, s’était dit «confiant» en la conclusion d’un accord sur un embargo de l’UE visant le pétrole russe d’ici à la réunion de demain (lundi) du Conseil européen, malgré les réticences de la Hongrie. Les échanges sur le marché à terme de l’or noir «seront beaucoup plus réduits (que d’ordinaire) lundi (férié aux États-Unis) et on a toujours une guerre en cours en Ukraine», a souligné Bill O’Grady, responsable de la recherche chez Confluence Investment Management, au sujet de l’incertitude ambiante. Les opérateurs ont aussi relevé l’arraisonnement, par les Gardiens de la Révolution iraniens, de deux pétroliers grecs dans les eaux du Golfe. L’opération est intervenue après de nouvelles protestations de l’Iran contre la mise sous séquestre, depuis mi-avril, d’un navire russe transportant du pétrole iranien. «Les Européens se donnent du mal pour relancer les négociations sur le nucléaire iranien», a noté Bill O’Grady, «et voilà que les Iraniens font cela», à savoir intercepter des navires grecs. «Ils n’aident pas vraiment leur cause. Ce sont des pétroliers, ils ne présentent aucun danger pour eux». La participation de l’Iran aux échanges mondiaux d’or noir est fortement limitée depuis 2018 et le rétablissement des sanctions économiques américaines par le gouvernement de Donald Trump. Alors que le marché est sous tension depuis plusieurs mois déjà, les opérateurs redoutent l’accélération de la consommation de carburant avec le début de la saison estivale, marquée par le week-end férié de Memorial Day, à partir de samedi aux États-Unis. «Cela va être intéressant de voir si les prix de l’essence, actuellement à des records, ont un effet négatif sur les déplacements des Américains ces prochains mois», a expliqué, dans une note, Daniel Briesemann, de Commerzbank.
Le Brent pourrait dépasser 150 dollars le baril, selon BofA
Le baril de Brent de mer du Nord pourrait dépasser les 150 dollars en cas de forte diminution des exportations du pétrole russe, ont déclaré les analystes de Bank of America (BofA) Global Research. Les cours pétroliers ont flambé après l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février : le baril de Brent avait dépassé 139 dollars le 7 mars, du jamais vu depuis 2008, et celui de brut léger américain (West Texas Intermediate, WTI) est monté jusqu’à 130,5 dollars à la même date. Ils évoluaient respectivement autour de 117 dollars et 113 dollars. «Avec notre objectif de 120 dollars le baril de Brent maintenant en vue, nous pensons qu’une forte contraction des exportations de pétrole russe pourrait (…) pousser le Brent bien au-delà des 150 dollars le baril», a déclaré Bank of America (BofA) dans une note de recherche.
Retour à la demande pré-Covid en 2023 ?
BofA estime que le prix moyen du Brent cette année sera de 104,48 dollars le baril et de 100 dollars en 2023. Pour les analystes, la demande ne devrait pas retrouver cette année son niveau d’avant la pandémie car les problèmes d’approvisionnement persistent. «Une augmentation de 30 dollars par baril cette année a réduit la demande de 1,5 million de barils par jour, ce qui ne permet pas un retour à un niveau antérieur au Covid», ont déclaré les analystes de BofA. Ils estiment que la demande pourrait s’approcher du niveau pré-Covid l’année prochaine, si la production russe se maintient à près de 10 millions de barils par jour et si les approvisionnements des pays de l’Opep+ augmentent. Meriem Benchaouia