Jeudi l’Assemblée générale de l’ONU a voté la suspension de la Russie du Conseil des droits de l’homme, conformément aux vœux des Etats-Unis, et à ceux de leurs alliés en Occident, mais aussi grâce au concours de plusieurs pays à travers le monde qui en raison de leur dépendance notamment ne pouvaient rien leur refuser. C’est la deuxième tentative de l’Otan de donner de la Russie l’image d’un pays infréquentable, d’un pays paria, complètement isolé sur la scène internationale, en conséquence de ses actes supposés hautement répréhensibles. Ce n’est probablement pas la dernière, malgré leur deuxième échec, d’ailleurs bien plus marqué que le premier, celui du 2 mars, quand ils avaient voulu faire plus que condamner la Russie pour son invasion de l’Ukraine, mais la faire ostraciser, la mettre au ban du monde, faute de pouvoir obtenir son exclusion de l’organisation des Nations unies. Lors du vote du 2 mars, ils avaient les apparences pour eux, mais également le droit, l’invasion d’un pays membre de l’ONU par un autre, qui plus est membre permanent du Conseil de sécurité, étant une cause en soi indéfendable, aussi justifiée qu’elle puisse paraître par ailleurs.
On ne sait toujours pas ce qu’aurait dû faire la Russie pour se défendre contre l’expansion de l’Otan, qui depuis l’effondrement de l’Union soviétique n’a cessé de progresser vers ses frontières, plutôt que d’envahir l’Ukraine, mais en tout état de cause, cette ignorance partagée et persistante n’était pas de nature à lui profiter, à titre de circonstance atténuante par exemple. Pour autant, ce n’est pas la totalité des pays membres de l’ONU qui se sont reconnus dans la résolution condamnant son action contre l’Ukraine. Cinq d’entre eux l’avaient repoussée, dont la Chine ; 35 d’entre eux s’étaient abstenus, dont l’Algérie, et 12 autres n’avaient même pas voulu prendre part au vote, au nombre desquels le Maroc, ce qui n’avait pas peu étonné. Lors du vote du 7 avril, survenant pourtant dans le sillage du massacre du Boutcha, imputé par Kiev, les Occidentaux et leurs médias à la Russie, l’effet recherché, l’isolement de la Russie, est davantage sujet à caution. En fait, il l’est tellement que la question se pose de savoir qui au final s’en est trouvé isolé sur la scène internationale, la Russie ou l’Otan. Cette fois-ci, en effet, sur les mêmes 193 pays membres de l’ONU, il y a 93 pays approuvant la suspension de la Russie du Conseil des droits de l’homme, alors qu’il s’en était trouvé 141 pour la condamner le 2 mars. Il y avait 5 pays seulement pour refuser le 2 mars de condamner la Russie, il y en a 24, dont l’Algérie, pour s’opposer le 7 avril à sa suspension au Conseil des droits de l’homme. Il y avait eu 35+12 abstentions au vote du 2 mars, il y en a eu 58 à celui du 7 avril. Si l’on ajoute aux 24 «non» les 58 abstentions, on obtient un nombre comparable à celui des «oui». On peut donc dire que la Russie est aujourd’hui moins isolée, si tant que ce terme soit approprié, qu’elle ne l’était il y a un peu plus d’un mois. Certes, le premier comme le deuxième vote ont une valeur purement symbolique, dans un premier temps tout au moins. Il s’agissait essentiellement pour leurs initiateurs d’obtenir une espèce de victoire morale, l’assurance que dans le conflit ukrainien l’opinion mondiale se situe de leur côté, qu’ils sont eux dans le vrai, et la Russie, dans son tort. Ils auraient pu s’entretenir dans ce sentiment s’ils s’étaient contentés du premier vote. En cherchant à lever à leur niveau le doute suscité par celui-ci, par l’organisation d’un deuxième, ils n’auront réussi qu’à faire reculer leur affaire.