Après plus de six mois de guerre en Ukraine, et six paquets de sanctions, et toujours pas d’effondrement de l’économie russe en vue, le G7 en vient à concevoir l’arme fatale, celle qui est appelée à faire tout le mal souhaitable à la Russie mais sans nuire en rien aux pays engagés contre elle dans une guerre par procuration chaque fois renouvelée. Il fallait y penser, car elle est sophistiquée, tellement subtile ; ce n’est pas à elle que des libéraux convaincus penseraient en premier, ni même d’ailleurs des esprits obtus, ne se recommandant en soi ni pour son orthodoxie ni pour son simplicité. Mais qu’importe, après tout ; à la guerre comme à la guerre. S’il est possible de s’approvisionner en pétrole russe non pas à son prix de marché, qui est cher et comme tel fait rentrer beaucoup d’argent dans les caisses de Poutine, mais à son prix de revient, majoré d’un petit profit, suffisamment attractif cependant pour que les Russes n’arrêtent pas les frais, les pays en guerre non déclarée contre eux auraient tort de s’en priver. Cela s’appelle plafonner les prix du pétrole russe, où qu’il se trouve, où qu’il se vende, quels qu’en soient les acheteurs, qu’ils soient des Occidentaux, des Américains, des Asiatiques, des Africains, qu’ils soient en bons ou en mauvais termes avec Moscou. A tous les Russes seraient obligés de céder leur marchandise à un prix plafonné par le G7.
Une mesure faite pour plaire à tout le monde, sauf évidemment aux Russes. Ni les Indiens ni les Chinois, qui ont augmenté leurs achats de pétrole russe depuis le début de la guerre, davantage par intérêt que par amitié, le pétrole russe leur revenant moins cher du fait des sanctions occidentales, ne devraient pas y trouver à redire, puisqu’ils pourraient
l’avoir à un prix plus faible encore. Ce serait comme si les Russes le produisaient non plus pour le profit qu’il donne mais pour les besoins en énergie du reste du monde. C’est du communisme, mais entre clients. Une telle idée n’a pu germer que dans la tête d’un fou s’estimant tout-puissant. Ce sont les Américains qui les premiers l’ont eue. Puis les occidentaux s’en sont emparés, avant de la céder au G7 qui depuis deux jours se dit désireux de la mettre en œuvre. Comment compte-t-il s’y prendre ? En enjoignant aux compagnies, leur appartenant pour la plupart, de ne prendre en charge que les cargaisons achetées à un prix plafonné, qu’eux-mêmes se réservent le droit de fixer le moment venu. Imaginons un client qui entre dans un magasin, qui se choisit un article, et qui décide lui-même du prix auquel l’acquérir, le propriétaire n’ayant quant à lui qu’un seul droit, celui d’acquiescer. Pour amener la Russie à un tel degré d’abaissement, il faut non seulement l’avoir chassée d’Ukraine, mais avoir déjà pris Moscou, ou sur le point de le prendre. Projet d’autant plus étrange que les Européens ont déjà pris la décision de se passer entièrement de pétrole russe dès la fin de cette année. Quant aux Américains, cela est déjà fait depuis quelque temps déjà. Pourquoi songer à quelque chose d’aussi saugrenu que le plafonnement d’un prix alors que l’on n’envisage rien moins que de se passer du produit lui-même ? En fait, il en est de cette sanction imaginaire comme de la contre-offensive ukrainienne, prétendument en cours à Kherson : un délire de toute-puissance. Pas plus que les Ukrainiens n’ont les moyens de reprendre Kherson, le G7 n’a ceux de se procurer le pétrole russe au prix fixé par lui, non pas par le marché.