Le témoignage du directeur du FBI, Christopher Wray, devant le panel de sénateurs chargés d’examiner de près les circonstances ayant entouré l’envahissement du Capitole le 6 janvier dernier, était d’autant plus attendu qu’on était curieux de savoir comment la plus grande police du monde avait fait pour commettre le pire ratage de sa carrière. On peut exprimer la chose autrement : avait-elle fait exprès de laisser le Capitole sans protection particulière ce jour-là, tout en sachant à quoi il allait être exposé, ou bien était-elle en fait la police la plus mauvaise du monde, ce qui alors expliquerait bien qu’elle n’ait rien vu venir ? Dans le premier cas, sa réputation serait sauve, si sa fidélité à l’Etat américain serait, elle par contre, remise en cause. Et dans le second, elle serait à refaire, et vite, parce que les Etats-Unis seraient exposés à tous les dangers internes possibles et imaginables. Or de ceux-ci, il n’en manque pas par les temps qui courent. La tâche de son directeur à cette occasion ne pouvait qu’être difficile, des plus pénibles même, puisqu’il s’agissait pour lui de sauver sa réputation sous le double rapport de la compétence technique et de la fiabilité politique. Et d’abord, a-t-il commencé par dire, l’attaque du 6 janvier, pour nous aussi, ce n’est pas un acte criminel comme un autre, c’est un acte terroriste. Qui plus est, pas n’importe quel acte terroriste, mais un acte terroriste interne, domestique, américano-américain.
Celui-là n’est le fait d’aucune organisation terroriste étrangère, dans le genre Etat islamique ou al-Qaïda. Des Américains ont planifié et exécuté une attaque contre le temple de la démocratie américaine. Remarque importante : ils n’ont pas envahi le Capitole pour s’y prendre en photo, mais bel et bien pour tuer. Pour tuer ceux qui s’y trouvent, c’est-à-dire les représentants du peuple américain. Cela vient en droit fil de la qualification de l’acte comme terroriste. Un acte terroriste dont le but ne serait pas de verser le sang, ça n’existe pas, c’est une contradiction dans les termes. Le FBI l’avait-il prévu, et en conséquence en avait-il averti ceux qui pouvaient lui faire échec de même que ses victimes potentielles ? C’est là que le directeur du FBI était attendu, davantage par les sénateurs démocrates que par leurs homologues républicains. S’il répondait oui à cette question implicite, alors il faudrait qu’il explique pourquoi les congressistes
s’étaient trouvés piégés dans le Capitole, ne devant leur salut qu’au sang-froid et au dévouement d’une poignée de policiers, probablement même à un seul d’entre eux, Eugene Goodman, qui avait réussi à entraîner la horde des tueurs loin de la salle où ils étaient rassemblés. Ce qui du même coup leur avait permis de se mettre à l’abri dans un lieu plus sûr. Prévoir en l’espèce, c’est faire prendre les mesures de sauvegarde qui s’imposent. Ce qui implique prévenir tous ceux qui doivent l’être afin que l’attaque n’ait pas lieu, ou que si elle se produisait quand même, ils puissent se défendre. Une section locale du FBI, celle de Norfolk, en Virginie, avait bien émis une alerte, en effet parvenue dans la boite aux lettres de la police du Capitole, comme quoi quelque chose de mauvais se préparait pour le lendemain, mais qui n’a fait prendre à personne la mesure du danger qui planait, ni dans le Capitole ni dans Washington. Et si d’aventure le directeur du FBI répondait non, non ses services n’avaient rien vu venir, lui qui avait commencé par dire que le terrorisme domestique se développait dans le pays, il n’aurait fait que dénoncer sa propre compétence comme celle de son organisation. Ce qui ne serait guère mieux. Dans le fait, il a répondu oui, tout en niant les conséquences logiques qui en découlent. Le FBI aurait fait son job, sauf qu’il ignorait combien ses partenaires pouvaient être aussi négligents.