Nul doute que la publication par le New York Times des déclarations d’impôts sur plusieurs années de Donald Trump, (d’où il ressort d’ailleurs qu’il n’en payait pas, d’impôts, ou alors si affreusement peu), est une aubaine que son rival démocrate va sans doute tenter d’exploiter à fond dans leur premier tête-à-tête d’aujourd’hui mercredi. Pour être tout à fait exact, quand ces lignes paraîtront, ce débat, décalage horaire oblige, aura déjà eu lieu. Pour tout autre candidat que Trump, une telle révélation serait mortelle, aussi grande que puisse être dans les sondages son avance sur son rival. La question de sa vérité ou non semble déjà tranchée, bien que Trump n’ait pas manqué à son habitude de crier à Fake News, le nom que depuis quelque temps déjà il donne à son pourfendeur de journal. Dans son cas, on ne sait pas très bien car tant de fois on a cru qu’il était K.-O. cette fois-ci, qu’il n’en réchapperait pas. Et à la fin, force a été de constater qu’une fois de plus il s’en est sorti, comme en atteste à chaque fois sa cote de popularité restée inentamée. Il faut dire que Trump n’a pas tant des électeurs qui sont fidèles que des fidèles qui en même temps sont des électeurs. N’empêche, cette fois-ci il n’a pas pu ne pas sentir le souffle du boulet. Non pas d’ailleurs parce qu’il fraudait le fisc, un crime capital aux Etats-Unis, mais parce qu’il ne gagnait pas assez pour devoir en payer. Une faute bien plus grave aux yeux de ses électeurs, convaincus qu’ils sont en effet qu’il est l’as des as en affaires.
Sous les apparences de dénoncer la fraude dont il se serait rendu coupable, notamment pour l’année 2017, où il était déjà à la Maison-Blanche, ces adversaires en réalité s’appliquent à distiller dans l’esprit de ses supporters un tout autre message. Votre champion des affaires, leur disent-ils, votre magnat de l’immobilier, est en fait un tocard qui ne gagne même pas assez pour payer des impôts comme vous et moi. De là ces dazibaos qui fleurissent actuellement sur les murs en Amérique conçus dans ce style : moi un-tel-pauvre-salarié je paye plus d’impôts que Trump. Qu’est-ce qui est préférable, être voleur du fisc ou quantité négligeable aux yeux du fisc ? Si le premier titre vous fait sûrement entrer en prison, le second vous fait sortir non moins sûrement de la Maison-Blanche, si vous en êtes le locataire. Trump préfèrerait sans hésitation le premier, d’autant qu’il est pour le moment suffisamment immunisé contre ses effets. Dans le débat à Cleveland d’aujourd’hui, il faudrait faire attention à la manière dont Biden va remuer le couteau dans la plaie. Ce ne serait d’ailleurs non pas tant pour faire mal à son adversaire que pour le faire tomber dans l’estime de ses électeurs, hommes de peu pour la plupart, mais qui néanmoins gagnent assez pour avoir des impôts à payer. La chance de Trump pourrait bien être d’avoir affaire à Biden, quelqu’un qui en effet n’a pas la réputation d’être un grand communicant. Mais s’il était en veine pour la circonstance, on le verrait pour ainsi dire prendre à part chacun des fidèles de Trump, et lui murmurer à l’oreille que l’homme qu’il porte aux nues, pour lequel il s’apprête à voter de nouveau, est si peu ce foudre des affaires que ce dont on l’accuse en l’occurrence, ce n’est pas de ne pas payer ses impôts mais d’en être exempté. Non de s’en être exempté.