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mardi 6 juin 2023

Le coup de force peut-être inutile de la Fed

Tenues de poursuivre la lutte contre l’inflation, ce qui ne peut se faire qu’au moyen d’une hausse des taux d’intérêt, mais aussi d’empêcher qu’une crise bancaire menaçante n’éclate pour de bon, ce qui nécessite une baisse de ces mêmes taux, les autorités monétaires et financières américaines se sont finalement décidées à faire les deux en même
temps : augmenter le taux directeur mais seulement d’un quart de point alors que leur intention première en quelque sorte déclarée était de le faire d’un demi-point. Cette dernière, cependant, c’était avant les faillites de trois banques régionales, le sauvetage d’une quatrième, et le danger persistant que d’autres, même de beaucoup d’autres, disparaissent à leur tour du paysage. Une décision en apparence judicieuse que celle quelle a finalement prise, puisqu’elle permet de garder le cap sur la réduction de l’inflation, pour l’heure au-dessus des 6%, tout en satisfaisant au moins en partie la demande des milieux financiers d’une politique monétaire moins restrictive. Ce qu’auraient voulu les marchés financiers, comme les banques, ce qu’ils espéraient en tout cas, et le croyaient même possible, c’est en réalité plus qu’un ralentissement dans la hausse des taux d’intérêt, le début de leur baisse, l’abandon de la lutte contre l’inflation en tant que priorité du moment, un premier pas de recul vers l’argent facile.

La Fed et le secrétariat au trésor ne gèrent pas leur domaine seulement par les décisions positives qu’ils prennent, mais aussi par celles qu’ils ne prennent pas alors qu’on s’attendait à ce qu’ils les prennent. On n’excluait pas avant leur dernière intervention qu’ils diminuent les taux d’intérêt, pour éviter de voir les banques fragilisées par la hausse des taux se mettre à tomber les unes après les autres, d’autant que des dizaines sont dans ce cas. Mais si la Fed, la banque centrale américaine, avait pris cette décision, au lieu d’une augmentation d’un quart de point, elle aurait donné à penser que la crise bancaire était encore plus grave qu’on était porté à le croire. Elle aurait dans ce cas conforté les craintes ambiantes que le système bancaire américain était bien en crise. Les deux dernières faillites dont on a le plus parlé, celles de la Silicon Valley et de Signature Bank, ont été causées par des retraits massifs de la part de déposants pris de panique au vu des difficultés avec lesquelles ces banques étaient aux prises. Aucune banque ne peut résister à un «bank run», serait-elle une grande banque, une banque systémique comme on dirait aujourd’hui. La peur de déclencher un «bank run» généralisé a conduit la Fed à n’augmenter que d’un quart de point son taux directeur. Mais si au lieu d’agir de la sorte elle l’avait diminué, disons d’un quart de point, elle n’aurait pas pour autant écarté le danger d’une panique générale, elle l’aurait au contraire alimentée, et peut-être même provoquée à son corps défendant. La décision qu’elle a finalement prise est en fait un dosage soigneusement étudié, quelque chose de mûrement réfléchi, mais qui relève plus de la communication que de la gestion. Comme la Pythie de Delphes, la Fed n’affirme ni ne nie rien, elle se contente de suggérer. Et ce qu’elle suggère doit être assez obscur pour autoriser plusieurs interprétations. Et si malgré tout elle est comprise, alors c’est qu’elle s’est mal exprimée.

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