Quelques heures seulement après les révélations du Washington Post sur le milieu, c’est-à-dire le forum online, et l’auteur des fuites du Pentagone, décrivant celui-ci dans le détail mais se gardant de donner son nom, que sans doute le journal connaissait déjà, le FBI met la dernière main à cette séquence en procédant à l’arrestation du coupable. Il s’appelle Jack Teixeira, c’est un jeune homme de 21 ans, quelqu’un de féru des armes et des jeux vidéo, il est attaché au service du renseignement d’une base aérienne relevant de la garde nationale du Massachussetts. De tout ce qui a été dit à son sujet sur le Washington Post, il ressort clairement que l’auteur des fuites n’est pas un lanceur d’alerte dans le genre de Daniel Ellsberg et de Robert Snowden, pour ne parler que des plus connus, que d’une certaine façon il est même à leur opposé. Le dernier, à moins que ce ne soit l’avant-dernier paragraphe de l’enquête en question du Washington Post, porte le titre : il n’est pas un lanceur d’alerte. Ce qu’il est possible de traduire comme suit : bien que l’auteur des dernières fuites ait agi à l’imitation des lanceurs d’alerte animés par des idéaux politiques ou moraux, ou les deux à la fois, Jack Teixeira n’est pas un des leurs. Et pour cause, ses convictions, à supposer qu’il en ait, le placeraient plutôt à l’autre extrémité du spectre politique américain. Il suffit d’indiquer qu’il est un amateur des armes et des voitures de course pour le sortir du lot sans la moindre hésitation. On n’imagine pas un Ellsberg ou un Snowden amateur d’armes et de voitures de course, n’est-ce pas ? Pour ceux qui malgré cela continueraient à voir dans ce personnage peu recommandable un homme de bien, un nouvel héros américain, le journal a autre chose pour achever de leur dessiller les yeux : une vidéo le montrant habillé de pied en cap en tueur implacable, en terminator, proférant des insultes racistes, et tirant dans le tas devant lui. Voilà qui vous vous dit plus clairement encore à quel client on a affaire en l’occurrence. Sa seule motivation serait son désir de garder son emprise sur son groupe de tchat. C’est d’ailleurs à lui seul qu’il destinerait les documents secrets qu’il a pris ou recopiés dans des salles hautement sécurisées au niveau de la base aérienne où il travaillait. Son intention n’était pas de les faire circuler sur Internet, de les porter à la connaissance du plus grand nombre possible. Il ne travaille ni pour les Russes ni pour les Ukrainiens. C’est un patriote américain, mais tout différemment de ces autres patriotes que sont les lanceurs d’alerte dans la tradition classique. Il est patriote parce qu’il appartient, dit-on, à une famille de patriotes américains, voilà tout. Son intention n’est pas de nuire aux Etats-Unis, mais seulement d’en imposer à sa famille virtuelle. Comprenne qui pourra. Reste deux petites choses à tirer au clair. Les fuites sont-elles finies maintenant que leur auteur est hors d’état de nuire ? La question se pose car le jour même de son arrestation de nouvelles sont apparues. Certes, elles ont pu être mises en ligne quelque temps auparavant, et n’être sorties des limbes qu’hier seulement. Mais alors il ne serait pas impossible que d’autres attendent de surgir de l’ombre, où maintenant elles sont tapies. L’autre chose concerne les conséquences de cette affaire, à l’origine purement américano-américaine. Sont-elles graves, et dans ce cas durables ? A en croire Joe Biden, il y a eu plus de peur que de mal. Certes, il en restera quelque chose, mais rien qui oblige les Etats-Unis à tout changer pour que tout reste en l’état.