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lundi 27 mars 2023

La Turquie lâche l’ombre en Libye pour la proie en Méditerranée

Il y a encore peu, la tendance générale était pour estimer que le temps imparti au gouvernement transitoire libyen pour mener à bien la mission pour laquelle il a été formé, à savoir la réunification du pays, était plutôt court, puisqu’il était inférieur à une année. Au moment où ce gouvernement commençait à se constituer, avec la désignation de Abdelhamid Debeibah début février, il n’y en avait pas beaucoup en tout cas pour parier sur sa réussite dans le délai fixé par le Forum du dialogue libyen. Lequel délai court jusqu’à la fin de cette année, le 24 décembre très exactement, date de la tenue des élections générales marquant la fin de la division libyenne, pour autant bien sûr que tout se passe comme prévu. En moins de deux mois, des choses importantes se sont produites dont on aurait pensé qu’elles prendraient bien plus de temps : la formation du gouvernement de transition ; son approbation par le Parlement ; sa reconnaissance par les deux parties en conflit ; auparavant par celle de la communauté internationale, qui, il est vrai, lui était acquise d’avance ; enfin la passation des pouvoirs entre lui et le gouvernement d’union nationale d’el-Serraj, une formalité qui elle en revanche n’allait pas de soi.

Autant de chemin parcouru et en si peu de temps a pour effet de modifier la perspective : ce même délai dont on pensait qu’il était par trop serré, on aurait plutôt tendance aujourd’hui à le considérer comme plus éloigné dans le temps qu’il ne serait nécessaire. Après tout le gouvernement de transition n’a qu’une seule véritable mission : organiser les élections. Une tâche qu’il semble possible d’accomplir en moins de neuf mois, le temps dont ce gouvernement dispose en réalité. Le seul obstacle susceptible de gêner ou de retarder sa réalisation, ce sont les 20 000 mercenaires présents en Libye, qu’il pourrait avoir du mal à faire partir, une condition sine qua non à la tenue des élections. Or voilà qu’aux dernières nouvelles, les mercenaires syriens dépêchés par la Turquie, lesquels tout de même se comptent par milliers, auraient reçu d’Ankara l’ordre de plier bagages, leur évacuation étant imminente. On ne peut même pas exclure qu’avant la publication de ces lignes, ils aient commencé à rembarquer. On doit cette célérité au rapprochement turco-égyptien, pour des motifs d’ailleurs qui ne sont pas directement liés à la question libyenne. Le besoin qu’a la Turquie du soutien de l’Egypte dans le partage des ressources de la mer à l’est de la Méditerranée est du meilleur effet pour la Libye. Se voyant placée devant la nécessité de choisir entre ses intérêts en mer et ceux qu’elle a, ou qu’elle estime avoir en Libye, autrement dit entre la proie et l’ombre, la Turquie n’a finalement pas trop
hésité : elle a opté pour la proie bien réelle. La proie, ce sont ses droits en Méditerranée qui se trouvent menacés par l’expansionnisme maritime de la Grèce, encouragée dans cette entreprise de rapine par la France en particulier. L’ombre, c’est la restauration de l’empire ottoman. Celle-là même que la Turquie d’Erdogan poursuivait en intervenant militairement en Libye l’année dernière. Maintenant qu’elle retire ses pions en Libye, le processus de réunification devrait aller plus vite dans ce pays, peut-être même plus vite que prévu.

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