Si en Syrie l’année précédente s’est terminée sur une note d’espoir, Syriens et Turcs s’étant montrés du moins disposés à trouver un terrain d’entente entre eux dans les meilleurs délais, grâce notamment à la médiation russe, on ne peut en dire autant s’agissant de la Libye, où la mésentente entre Tripoli et Tobrouk a eu au contraire tendance à s’approfondir durant la même période. Les prévisions pour l’année qui commence étant toujours fonction des bilans relatifs à celle qui se termine, on peut dire que les perspectives dans l’un et l’autre pays arabes en butte à une crise plus que grave, existentielle, le troisième étant le Yémen, sont autant bonnes pour la Syrie qu’elles sont mauvaises pour la Libye. Or, au regard de ce que ces deux pays ont subi au cours de ce qui maintenant dépasse largement une décennie, c’est le constat contraire que devrait s’imposer aujourd’hui, les ravages causés par la crise syrienne l’emportant par leur gravité sur ceux infligés à la Libye. En effet, l’Etat syrien, encore debout bien que sinistré, connaît l’occupation étrangère d’une partie de son territoire, à la différence de la Libye. Il ne tient qu’aux Libyens de dépasser leur division, et d’ouvrir par la même occasion une nouvelle page dans leur histoire.
La Syrie ne peut envisager une sortie de la situation qui lui est faite qu’après avoir recouvré la souveraineté sur l’ensemble de son territoire. Il devrait être plus facile pour un pays non occupé de se tirer complètement d’affaire que pour un autre dont une portion non négligeable du territoire se trouve sous le contrôle de forces étrangères. Pourtant, il semble bien que la Syrie soit plus près de sortir de sa période noire que la Libye, qui semble aujourd’hui davantage divisée que par le passé. L’explication à ce paradoxe réside dans le fait que l’Etat syrien ne s’est pas écroulé en dépit de tout ce qui s’est abattu sur lui, à la différence de l’Etat libyen qui lui n’a pas résisté à l’intervention étrangère menée à son encontre en 2011. Bien entendu, il reste que l’exercice consistant à tirer des bilans est plus facile que celui consistant à faire des prévisions, qui elles portent sur ce qui n’est pas encore arrivé, et qui de ce fait sont à même de faire mentir les pronostics apparemment les mieux fondés. Il n’est pas donc pas impossible que la nouvelle année soit en définitive plus propice à la Libye qu’à la Syrie, d’autant qu’il n’appartient qu’aux Libyens de sortir de leur crise, ce qui n’est pas le cas des Syriens, qui pour leur part ont besoin que les forces étrangères quittent au préalable leur pays. A ce jour, un tiers du territoire syrien échappe au contrôle de Damas. Un accord avec la Turquie, en vertu duquel celle-ci retirerait ses forces, réduirait la présence étrangère à un millier de soldats américains stationnés au nord-est, un contingent maintenu sur place soi-disant pour empêcher la résurgence de Daech, en réalité pour entraver toute normalisation de la situation qui ne conviendrait pas aux Etats-Unis ni à ses alliés dans la région. Pour difficile qu’il soit, cet accord n’est pas impossible. S’il est passé, les Etats-Unis auraient du mal à empêcher sa concrétisation. Un accord entre factions libyennes lui par contre n’est pas envisageable, en tout cas pas dans les prochains mois.