Dans un contexte où il en est fait un bien plus grand usage qu’à l’accoutumée, on a beaucoup dit d’elles qu’elles étaient une arme à double tranchant, que dans certains cas elles pouvaient même faire autant de mal au bord qui les prend qu’à celui qui les subit. Elles, bien sûr, ce sont les sanctions économiques, qui comme promis par les Occidentaux ont plu dru sur la Russie dès après le 24 février, le jour de son invasion de l’Ukraine. De nouvelles continuent de tomber sur elle, toute occasion étant bonne pour ce faire, même si leur effet « dévastateur » ne se voit pas vraiment encore, qu’il faille patienter un peu de temps avant que celui-ci ne se manifeste dans toute sa rigueur. Mais alors, la machine de guerre russe, enfin touchée dans le vif, ralentirait inévitablement, elle se mettrait à multiplier les ratés, en même temps que ses armes de précision perdraient de leur précision, que son offensive s’arrêterait sur tous les fronts, ce qui d’ailleurs s’observe jusqu’à un certain point déjà, tous signes qui ne trompent pas, annonciateurs qu’ils sont d’une débâcle prochaine. Mais qu’en serait-il si la Russie, au lieu de se contenter de subir les sanctions économiques prises à son encontre, décidait d’y répondre par quelques-unes de son cru, déjà que par elles-mêmes les centaines déjà à l’œuvre ne sont pas ménager des contrecoups parfois difficilement supportables ? Mercredi dernier, le président Poutine en a pris une qui à elle seule pourrait bien les valoir toutes. Il a laissé une semaine à la Banque centrale russe pour mettre en place un système faisant obligation aux pays qualifiés d’inamicaux, européens pour la plupart, de payer désormais en roubles leurs achats de gaz russe. La principale justification avancée par lui à l’appui de cette contre-offensive sur le plan économique est en béton : le dollar et l’euro n’étant plus des monnaies sûres, en raison du gel des avoirs russes dans ces deux monnaies, il n’y a plus aucun sens pour son pays de continuer à les accepter à titre de paiement pour la vente de ses marchandises. Dorénavant les pays européens désireux d’acheter du gaz russe devront au préalable se procurer des roubles auprès de la Banque centrale russe à cet effet, les opérateurs russes ne pouvant plus accepter ni leurs dollars ni leurs euros. Pour purement économique qu’elle soit, cette mesure n’en est pas moins un tournant dans la guerre considérée dans l’ensemble de ses dimensions. Pour la première fois, un pays et non des moindres prend la décision de refuser le dollar, et sur sa lancée l’euro, qui pourtant n’est pas la cible principale, dans ses transactions avec un certain nombre de ses partenaires commerciaux. Il est bien évident en effet que du point de vue des Russes la mesure ne concernera pas que le gaz, qu’elle s’étendra à l’ensemble des échanges avec les pays visés. Le gel des avoirs russes par les banques occidentales a eu pour premier effet une baisse drastique du rouble par rapport au dollar. La seule annonce de mercredi l’a fait remonter significativement. Une fois la mesure appliquée, il s’appréciera bien plus. La dédollarisation de l’économie mondiale n’est pas quelque chose qui commence avec cette décision russe ; c’est un processus qui s’est enclenché depuis quelque temps déjà. N’empêche, la Russie vient de lui faire faire un bond de géant. Le coup de grâce à la prééminence du dollar ne sera pas de son fait cependant, mais probablement d’une autre initiative, prise conjointement celle-là par la Chine, la plus grande économie au monde, et l’Arabie saoudite, le plus grand producteur de pétrole, et devant être mise en œuvre au cours de cette année : l’adoption du yuan comme monnaie de paiement du pétrole saoudien vendu à la Chine en lieu et place du dollar.
Mohamed Habili