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Alger
vendredi 9 juin 2023

La réunification arabe selon Alger

Avant et pendant ce 31e Sommet de la Ligue arabe, dont l’organisation lui a échu, on peut dire qu’Alger aura tout fait pour redonner à la cause palestinienne la place centrale qui a été la sienne depuis toujours dans le monde arabe, mais que le cours des événements ces dernières années a fini peu à peu par lui faire perdre. Dans le discours, rien n’a changé toutefois, ou alors si peu. Dans la pratique au contraire une importante évolution s’est produite, comme en témoignent de façon éloquente les dernières normalisations avec Israël, d’autant qu’elles se sont produites quasi en même temps. A l’heure où ces lignes sont écrites, la déclaration finale du sommet n’a pas encore été rendue publique, la rencontre ne s’étant d’ailleurs pas encore achevée. Un document manque donc, pouvant aider à mieux mesurer les chances du pays organisateur à obtenir gain de cause, encore qu’il faille pour cela non pas tant le lire que le déchiffrer, compte tenu de ce que chacun de ses mots a fait l’objet d’un consensus, et pour certains peut-être de marchandage. S’il n’est pas publié, ce texte cependant existe déjà, étant l’œuvre de discussions antérieures entre ministres des Affaires étrangères et autres sherpas, que les chefs d’Etat ou leurs représentants spéciaux n’auront ensuite qu’à entériner. Mais savoir si le Sommet d’Alger a été ou non un succès, à l’aune bien sûr avancée ici, dépend de ses répercussions dans la réalité, ce qui exige du temps.

En attendant, rien n’interdit de voir ce qui d’ailleurs saute aux yeux, à savoir qu’il y a des pays qui sont sur la même ligne qu’Alger, et d’autres pour qui la priorité n’est plus la Palestine, mais autre chose, et d’abord les ingérences étrangères dans les affaires internes du monde arabe. Plus clairement dit, pour les uns, l’ennemi principal du monde arabe n’a pas changé, il reste Israël. Pour les autres, ce n’est plus ce dernier, c’est l’Iran. Ce clivage n’est pas nouveau, il date déjà de plusieurs années. Ce qui est nouveau en revanche, c’est qu’en plus de l’ingérence iranienne, il est question d’une deuxième ingérence, celle de la Turquie, qui en effet n’hésite plus à intervenir militairement chez ses voisins arabes, et même plus loin encore, comme en Libye, dès lors qu’elle estime que sa sécurité est en jeu. En réalité, la Turquie n’est nommée que pour éviter de paraître vouer à l’Iran un sentiment de rejet de mauvais aloi. Bien entendu ceux des pays qui comme l’Algérie n’ont pas changé d’ennemi principal ne sont pas pour tolérer les ingérences de l’Iran et de la Turquie, pas plus que ceux pour qui c’est l’Iran qui désormais représente la plus grande menace ne sont prêts à sacrifier la Palestine. Alger a cru pouvoir réunifier tout le monde autour de l’initiative de paix arabe vieille déjà de 20 ans, qui présente ce double avantage, d’une part, de tenir toujours, et de l’autre, de reposer sur la primauté de la cause palestinienne dans le destin arabe. En se servant de ce critère, ou plutôt de cette pierre de touche, il devient possible de ranger d’un côté ou de l’autre, chacun des 22 membres de la Ligue arabe. Première observation à cet égard : la proximité géographique n’est pas le facteur déterminant dans le positionnement en question. C’est ainsi qu’on peut être une monarchie du Golfe et cependant ne pas voir dans l’Iran le grand déstabilisateur à neutraliser en premier. C’est en particulier le cas du Qatar, qui en cette matière est plus proche de l’Algérie que l’Egypte, qui pourtant lui ressemble tant par ailleurs. Autre exemple, celui du Maroc, qui bien que se trouvant à l’autre bout du monde arabe, est certainement le plus proche d’Israël à tout point de vue. Des quatre dernières normalisations avec Israël, la sienne est la plus solidement établie.

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