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jeudi 28 mars 2024

La Razoni chargé de maïs et d’espoir

Le Razoni est le premier navire chargé de céréales à quitter le port d’Odessa, aux termes des accords conclus à Istanbul le 22 juillet dernier entre l’Ukraine et la Russie, sous l’égide à la fois de l’ONU et de la Turquie. Il bat pavillon sierra-léonais et se dirige vers Beyrouth où il doit débarquer 26 000 tonnes de maïs. Il est arrivé comme prévu à Istanbul où il est en train de subir les inspections convenues pour s’assurer qu’il ne transporte rien qui soit en rapport avec la guerre en Ukraine. Pour arriver en Istanbul, il lui a fallu louvoyer dans un champ de mines sous la conduite de la marine ukrainienne, qui seule connaît leur emplacement, un avantage qu’elle entend évidemment conserver sur son homologue russe. Le Razoni n’a rien eu à craindre en traversant la mer Noire des Russes, mais tout des Ukrainiens, où plutôt de leur dispositif de défense contre un éventuelle débarquement russe sur Odessa, dont pourtant il transporte la marchandise. Comme tout le monde s’est félicité de l’accord d’Istanbul, tout le monde applaudira au fait qu’il arrive sain et sauf à Istanbul. Sa traversée augure bien de la suite par-dessus le marché. Elle tend à confirmer le sérieux de l’accord passé entre les belligérants, leur intention de le respecter.

On se prend même à penser que s’il tient la route, si d’autres navires arrivent à bon port à l’exemple du Razoni, il ne faut pas désespérer de ce qu’un cessez-le-feu soit conclu dans un horizon pas trop éloigné. Sans doute n’est-ce pas là la perspective la plus probable, au regard des réalités du terrain, qui elles sont en premier lieu annonciatrices d’une recrudescence des combats, les Russes voulant compléter la conquête du Donbass en s’emparant de ce qu’il en reste hors de leur contrôle, et les Ukrainiens tenant à leur reprendre Kherson, tout Kherson, ce qui le cas échéant serait un retournement de la guerre. Les Ukrainiens ne sont pas loin de voir dans la réussite de cette première opération d’exportation de céréales la promesse d’une victoire finale. Il faut dire qu’il n’était pas évident qu’ils soient dans ses sentiments. A priori, en effet, c’étaient les Russes qui avaient davantage intérêt à ce qu’aucune crise alimentaire de portée mondiale ne se produise par suite de leur invasion de l’Ukraine. A ce point de vue, l’intérêt des Ukrainiens serait tout l’inverse : que cette crise éclate au contraire et qu’elle soit universellement imputée aux Russes. Or que constate-on ? Les Ukrainiens tout à fait satisfaits de la reprise de leurs envois de céréales. Heureux même de pouvoir contribuer à l’alimentation du monde, comme ils l’ont toujours fait. Les Russes n’en sont pas mécontents pour autant, mais ils attendent pour être dans un état d’esprit équivalent à ce que leurs exportations elles aussi reprennent, ce qui suppose la levée des sanctions occidentales les frappant, conformément d’ailleurs à ce qui a été convenu. Des pays qui en pleine guerre tiennent autant à ce que le monde échappe à la famine qui menace du fait de la guerre qu’ils se livrent, à l’évidence ne sont mauvais ni l’un ni l’autre. S’ils pouvaient faire plus, et épargner au monde le spectacle affreux de leur affrontement, qui ne leur en saura gré ?

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