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jeudi 28 mars 2024

La promesse ambigüe faite à Taïwan

Entre ce que Joe Biden avait dit en mai dernier à Tokyo, et la visite récente à Taïwan de Nancy Pelosi, la présidente de la Chambre des représentants, à ce titre le troisième personnage seulement de l’Etat américain, le plus significatif pour la paix et la guerre dans la Mer de Chine n’est pas cette visite, somme toute symbolique,  mais bien la déclaration du président des Etats-Unis, qui elle mettait théoriquement fin à la politique d’ambiguïté stratégique américaine  dans le conflit sino-taiwanais.  A cette occasion, le président américain, en réponse à une question de journaliste, avait pour la première fois affirmé que son pays  interviendrait militairement aux cotés de Taïwan si celle-ci était envahie par la Chine. Pelosi n’est pas allée jusque-là quant à elle, au cours des moins de 24 heures qu’elle a passé dans l’île. Pourtant les réactions chinoises ont été plus bien plus virulentes dans son cas elle que dans celui du président des Etats-Unis. C’est qu’en l’espèce, ce sont les symboles qui sont en jeu, et seulement eux. En apparence tout au  moins, car en réalité Pelosi ne pouvait pas faire une tournée en Asie sans devoir passer par Taïwan, qui de tous les alliés dans la région a le plus besoin de soutien moral, entendu que c’est tout ce qu’elle-même pouvait apporter. La présidente de la Chambre des représentants n’aurait pas été à la hauteur de sa réputation de personne à principes si elle avait contourné l’île juste pour éviter la colère de la Chine. Toujours est-il qu’après l’enterrement par Biden de l’ambiguïté stratégique, qui soit dit en passant n’a jamais trompé personne, la Chine moins que tout le monde, sa visite a fait en quelque sorte l’effet de la goutte qui fait déborder le vase. Elle est venue confirmer aux yeux des Chinois qu’en effet les Américains sont décidés à défendre Taïwan. D’ailleurs les propos tenus par Pelosi lors de sa présence à Taïwan sont tous de cette eau-là. Jamais les Etats-Unis ne vous lâcheront, a-t-elle dit aux Taïwanais, qui l’écoutaient religieusement ; n’ayez crainte, votre pays si courageux ne connaîtra pas le sort de l’Ukraine. Il ne semble pas que ce nom d’Ukraine ait été une seule fois prononcé par elle, mais il était en filigrane dans tout ce qu’elle disait à ses  hôtes, aux autres alliés, et à la Chine en même temps. L’Ukraine, c’est l’autre pays allié des Etats-Unis qui avait besoin de leur aide, laquelle d’ailleurs leur a bien été fournie, et continue de l’être, alors que lui n’aurait pas mieux demandé que de recevoir celle-là précisément que les Etats-Unis s’engagent dès maintenant à fournir au besoin à Taïwan. La crainte des Taïwanais, que la tournée asiatique de Biden n’avait à l’évidence pas apaisé, c’est que dans le cas d’une invasion chinoise, ils  n’aient droit eux aussi qu’à des fournitures d’armes. Cette crainte est justifiée, car que de même qu’entre les Etats-Unis et l’Ukraine, il n’existe aucun traité de défense mutuelle entre les Etats-Unis et Taïwan. Dans le cas d’une attaque chinoise, rien n’oblige en réalité les Etats-Unis à intervenir militairement aux côtés de Taïwan. Leur président a dit  en mai dernier alors qu’il se trouverait Tokyo que cela se ferait néanmoins. L’Otan n’était  pas intervenue  en Ukraine parce que celle-ci n’en faisait pas partie. La situation de Taïwan est plus précaire encore, elle qui n’a même pas de véritables relations diplomatiques avec les Etats-Unis. Relations rompues à l’initiative des Etats-Unis au lendemain de sa reconnaissance de la Chine populaire comme le seul Etat répondant au nom de Chine. Le nom officiel de Taïwan est la République de Chine, que les Etats-Unis se sont toujours gardés de lui donner.

 

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