Les journaux américains les plus vendeurs ont mis en exergue dans leurs éditions d’avant-hier quelque chose qui pour le moins n’a pas constitué une surprise : la défaite de la représentante Liz Cheney, probablement la plus déterminée des opposants à Donald Trump parmi les républicains, dans une primaire où elle a dû affronter quelqu’un qui par contre était un fervent partisan de Trump. Des primaires de ce genre, il n’en a pas manqué ces derniers temps, qui le plus souvent ont été remportées par les aspirants trumpistes à l’investiture du parti républicain, qui à un siège à la Chambre des représentants, qui à un mandat de sénateur, qui à la fonction de gouverneur d’un Etat. Les démocrates n’ont suivi de près que celles qui mettaient aux prises un pro-Trump et un anti-Trump ; ils se sont en revanche à peine intéressés à celles, bien plus nombreuses, où concouraient deux candidats aussi trumpiste l’un que l’autre. Mais aucune n’a autant retenu leur attention que celle où se jouait la carrière politique de Liz Cheney, et qu’elle a perdue, ainsi que tout le laissait supposer.
Liz Cheney, digne fille de son père, est une républicaine à l’ancienne, lorsqu’il était inconcevable que le parti d’Abraham Lincoln se donne pour chef quelqu’un d’aussi peu fait pour le job que Donald Trump. Quand elle parle de lui, elle déborde de rancœur et de mépris. En tant que membre de la commission parlementaire chargée d’enquêter sur les événements du 6 juillet, elle fait preuve de bien plus de hargne que ses collègues démocrates, pour qui l’enjeu n’est pourtant pas moins important que celui qu’elle tend elle-même. Pour beaucoup de son camp, elle n’a plus rien à faire avec eux. Elle est devenue une démocrate, une libérale, d’autant plus virulente et mauvaise qu’elle est néophyte. C’est sans doute d’ailleurs ce qui explique qu’à la primaire en question, elle n’a pas seulement perdu face à son adversaire supporté par Trump, elle a été écrasée par lui. Le parti républicain qui l’avait investie, et sous les couleurs duquel elle avait été élue plusieurs fois comme représentante de son Etat, le Wyoming, n’existe plus. Un constat que sans doute elle ne contesterait plus. Reste maintenant à savoir de quoi est mort le parti républicain. Est-ce de la venue de Trump ? Ou serait-ce que Trump n’en soit lui-même que l’effet ? Au cours de son mandat, les démocrates étaient à cet égard catégoriques : Trump n’est qu’un effet, il n’est pas en particulier la cause de la défaite de Hillary Clinton, leur candidate toute désignée, celle-là même qui ne pouvait pas ne pas gagner devant Trump. Ce n’est pas lui qui l’a vaincue, mais quelque chose dont lui-même n’était qu’un objet, qu’un reflet, qu’un sous-produit. On devinait assez facilement que comme pour les démocrates ce sont les Russes qui l’avaient fait élire, la vraie cause à incriminer, c’est eux précisément, les Russes, même si eux-mêmes seraient bien en peine de dire comment ces derniers s’y étaient pris. Mais cela, c’était pendant le mandat de Trump. Le premier démocrate à avoir dit que Trump est l’effet non pas la cause, c’est Barack Obama, qui alors faisait figure de leader incontesté de son camp. Si lui avait pu se représenter contre Trump, c’est la cause elle-même qui aurait été neutralisée. Il n’y aurait pas eu d’effet par conséquent ; Trump ne serait pas devenu président des Etats-Unis. Aujourd’hui, il ne se trouverait pas de démocrate pour le dire en ces termes. C’est que Trump a changé de nature à leurs yeux : d’effet qu’il était de 2016 à 2020, il est devenu la Cause. La Cause à neutraliser dès à présent, avant qu’il ne soit trop tard, car le temps presse. De là la descente du FBI à Mar-a-Lago en Floride.