Alors que le pays ne cesse de subir, depuis le séisme de Boumerdès en 2003, les effets des catastrophes qui se sont succédé en cascade jusqu’à ce jour, les experts déplorent l’absence d’une politique appropriée pour la gestion des risques majeurs afin de réduire leurs impacts et effets.
Par Louisa Ait Ramdane
L’expert en gestion des risques majeurs, le Professeur Abdelkrim Chelghoum, est revenu, hier, sur la stratégie de prévention des risques majeurs en Algérie, observant que la loi relative à la gestion des catastrophes naturelles est restée lettre morte, depuis sa promulguée en 2004, après le séisme de Boumerdès en 2003.
De son point de vue, la loi en elle-même est bonne. Elle définit d’ailleurs les risques majeurs auxquels notre pays est exposé. Mais, depuis sa promulgation, aucun texte d’application ne l’a suivie. Cette loi, élaborée après le tremblement de terre de Boumerdès, est figée. Donc, sur le terrain, elle n’a pas servi vraiment à grand-chose. «Cette loi est très bonne, mais elle a juste besoin d’être actualisée en fonction de l’état des lieux et du retour d’expérience», a lancé l’expert, considérant que les risques majeurs sont une question qui relève de la sécurité nationale en termes de vision, stratégie et de politique. «N’ayant pas été encore été suivie de textes réglementaires, cette loi est donc restée pratiquement lettre morte. Ce qui est dommage», a-t-il regretté.
Il a estimé qu’il faut commencer par revoir le statut de la délégation des risques majeurs, qui malheureusement s’est transformée, en 2006, en simple direction générale au ministre de l’Intérieur, alors qu’au début elle était sous l’autorité du Premier ministre. «Ce qui est aberrant», a-t-il regretté. «Il n’y a pas eu le moindre progrès. Il a fallu attendre sept ans, soit jusqu’en 2011, pour installer le premier délégué qui est reparti en 2019», a-t-il déploré, précisant : «Nous avons demandé dans nos recommandations d’étoffer et de renforcer la délégation sur le plan humain et matériel, notamment au point de vue budget, puisque, actuellement, la délégation ne peut rien faire», qualifiant celle-ci de «boite vide». Il faut travailler dans ce sens, afin que la délégation puisse assurer convenablement son rôle de veille et de contrôle pour le ministère de l’Intérieur, qui est la tutelle de la gestion des risques majeurs de l’aménagement du territoire, a recommandé l’expert.
Il faut donc en finir avec les discours sans suite. Pour le directeur de recherche en génie parasismique et numérique de l’Université des sciences et de la technologie Houari-Boumediene (USTHB), il reste toujours à instituer les règles d’une stratégie de prévention, de gestion et de protection contre les risques majeurs. Cette stratégie devrait, selon lui, être confiée à un observatoire agissant sous la direction du chef de l’État. «Il serait souhaitable la mise en place d’un observatoire national de veille et de gestion de crise, qui serait au-dessus de tout le monde. Il va travailler d’une manière transversale et verticale et doit dépendre de Monsieur le président de la République», a-t-il ajouté.
Cette gestion est très sérieuse, a estimé l’invité de la rédaction de la Chaine 3 de la Radio nationale. «Ce n’est pas un jeu de dames, il y va de l’avenir de cette nation et des ses populations», dira-t-il. Si l’activité sismique en elle-même est considérée tout à fait normale, la carte de zonage sismique actuelle doit être revue, de l’avis de l’expert en gestion des risques majeurs. «Dans ce pays on gère la catastrophe, alors qu’il faut plutôt gérer le risque et gérer le risque c’est anticiper. Il faut revoir en urgence la carte sismique», a suggéré le Professeur Abdelkrim Chelghoum.
L. A. R.