C’est à une immersion dans un univers très particulier, celui d’une femme-colon pas comme les autres dans les premières décennies de l’Algérie sous occupation coloniale, auquel nous invite Malika Chitour-Daoudi à travers les pages de «La Kafrado».
Par Nadjib Stambouli
Dans ce premier roman de l’autrice, édité chez Casbah-Editions, le lecteur est convié à suivre le parcours pour le moins tumultueux de Francesca, une sicilienne fuyant Angelo son compagnon violent. Elle viendra s’installer à Annaba, avec sa nouvelle amie, Dorato, esclave qu’elle a adoptée après l’avoir achetée puis libérée. Elle acquerra dans sa ville d’adoption un grand domaine qu’elle nommera Kafrado, assemblage d’initiales de personnages désormais très proches avec lesquelles elle aura à vivre toutes les péripéties, obstacles et coups bas saupoudrés sur le chemin de son acquisition terrienne. Considérée et accueillie comme une bienvenue par les uns, elle est surtout vue comme une intruse par d’autres, des esprits malveillants qui ne reculent devant rien pour récupérer l’objet de leurs convoitises, les terres fertiles qu’elle a commencé à fructifier. Autour de ces manigances s’agite une nuée de personnages peu recommandables, à l’instar de Bruno le Maltais, qui s’avèrera moins dangereux que prévu et surtout d’un certain Pelissandre, capable des pires coups bas et attaques fourrées pour parvenir à ses fins. Bien sûr, la force du mal n’est pas seule à activer. Face à eux, Francesca est entourée de son inséparable amie Dorato l’Africaine mais aussi de Kader et de membres de sa famille, un notable local imprégné des idées et de l’action résistantes. Incendies, meurtres, complots avortés, tous les ingrédients d’un thriller palpitant sont disséminés tout au long de ce roman original, au moins pour avoir réuni des cultures différentes des deux rives de la Méditerranée, le tout sur fond d’ancrage civilisationnel africain, avec les invocations de Dorato. Ce sont des aventures restituées de manière très compacte, trop même, jusqu’à faire égarer le lecteur dans un labyrinthe inextricable de faits et de méfaits. On retiendra, en filigrane, la description de femmes battantes, combatives, qui ne se résignent jamais et s’il fallait absolument découvrir un message inséré dans l’œuvre, ce serait bien celui-là. L’autre originalité du roman réside dans le style de narration, l’auteur invitant à tour de rôle les deux personnages principaux, Francesca et Dorato, à s’exprimer à la première personne.
«Originalité», celle du sujet, du ton et de la narration serait le maître mot de «La Kafrado» de Malika Chitour-Daoudi, qui recèle quelques lacunes inhérentes à une première œuvre, mais aussi tous les éléments d’un roman qui appelle à être lu par le plus grand nombre.
«La Kafrado», roman de Malika Chitour-Daoudi, 206 pages, 750 DA, Casbah-Editions.
N. S.