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samedi 10 juin 2023

La guerre continue

La réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Otan à Bucarest n’a en apparence rien apporté de nouveau par rapport à celles qui s’étaient tenues depuis le début de la guerre en Ukraine, il y a maintenant neuf mois. Ce fut une occasion de plus pour l’Otan d’afficher son unité face à la Russie, et accessoirement à l’usage de la Chine, et pour renouveler, à vrai dire bien plus que son soutien, son engagement aux côtés de l’Ukraine dans sa lutte contre l’«envahisseur russe». Mais au regard du moment auquel elle se tient, le début de l’hiver et de ses rigueurs, que la Russie entend embrigader parmi ses forces pour briser la résistance de l’Ukraine, mais tout autant des appels réitérés de cette dernière à l’aide dans cette nouvelle conjoncture, elle n’aura pas été sans imprimer sa marque propre sur le cours des événements. On sait grâce à elle, ou du moins de ce qui en a filtré, que contrairement à ce qu’on aurait pu imaginer, sur la foi de certaines déclarations appelant à un retour accéléré à la paix, que l’Otan a toujours l’intention d’infliger à la Russie une défaire stratégique, comme cela se disait à tout bout de champ au début de la guerre.

Ceux qui avaient cru que la guerre entrait dans sa dernière phase, eu égard notamment à l’état dégradé dans lequel se trouve déjà l’économie mondiale, ont dû déchanter en suivant la conférence de presse du secrétaire général de l’Alliance, Jens Stoltenberg, pour lequel il ne peut y avoir de paix durable sans une victoire préalable sur l’agresseur, l’autre nom de la Russie. La négociation avec lui n’a de sens que si on a acquis la certitude qu’il ne recommencera pas ailleurs, en s’attaquant à un autre de ses voisins européens. La nécessité s’impose plus que jamais de le battre à plate couture aujourd’hui en Ukraine, ne serait-ce que pour ne pas avoir à se donner les mêmes peines et à se fendre des mêmes dépenses une nouvelle fois quelque temps plus tard. Stoltenberg s’est gardé de dire que l’Europe en fait ne pouvait avoir deux maîtres, mais qu’un seul : ou les Etats-Unis, l’autre nom de l’Otan, ou la Russie. Sa domination reviendra soit aux premiers sans partage, soit à cette dernière exclusivement. Mais cela ressort très clairement de ses propos, desquels on apprend par la même occasion que le sort des armes est encore en suspens. Ce qui ne l’a pas empêché d’affirmer que la Russie était de toute façon en train de perdre la guerre, comme le prouverait le double fait qu’elle s’attaque aux civils, ou plus exactement aux infrastructures sans lesquelles leur vie est grandement menacée, et qu’elle fasse de l’hiver son arme de destruction massive. Si l’Ukraine est perdue, ce sera la réaction en chaîne, le fatal effet domino qui fera tomber les unes après les autres les capitales européennes, le Grand Hiver, une nouvelle ère glaciale en Occident. Si l’Ukraine l’oblige à reculer par contre, l’Otan s’installera à ses frontières, en attendant de voir comment démonter son arsenal nucléaire, à supposer que son régime résiste à la défaite et qu’il reste menaçant, un scénario en fait peu probable. Ce n’est évidemment pas en ces termes que parle le secrétaire général de l’Otan, un homme assez subtil pour suggérer une chose sans avoir à la nommer, ce qui est le propre du vulgaire. Il se doit néanmoins d’être suffisamment limpide pour être compris par tout le monde, par les amis comme par les ennemis. Les premiers pour éviter qu’ils se mettent à douter de la victoire, ce qui est mauvais pour la cohésion de l’Alliance, et les seconds pour qu’ils cessent de croire en la leur, et soient pris de doute. Pour tous, le fin mot est que la guerre continue.

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