Après les faillites bancaires de mars dernier (deux en fait, celle de la Silicon Valley Bank et de Signature Bank, si du moins on met de côté la toute première, celle de Silvergate Bank, spécialisée pour sa part dans les crypto monnaies), les marchés financiers s’attendaient à ce que la Fed, la banque centrale américaine, n’augmente plus son taux d’intérêt principal, mais se mette au contraire à le diminuer, abandonnant du même coup sa politique prioritaire de lutte contre l’inflation, d’autant que celle-ci tendait à battre en retraite. Non seulement il n’en fut rien, mais c’est tout le contraire qui au bout du compte s’est produit, la Fed ayant procédé début mai à une nouvelle hausse de son taux directeur, le portant pour la première fois depuis 16 ans au-dessus de 5 %. Cette décision a été d’autant plus surprenante pour nombre d’analystes qu’elle a été précédée d’une nouvelle faillite, celle de First Republic Bank, survenue dans les mêmes conditions et pour les mêmes causes que celles de mars. En l’occurrence le mot faillite n’est peut-être pas celui qui convient le mieux, pour au moins deux raisons.
D’une part parce que les régulateurs américains n’ont pas purement et simplement fermé les banques concernées, mais leur ont trouvé des repreneurs ; et de l’autre, parce qu’en termes de bilan ces banques pouvaient se comparer à d’autres, qui elles ne connaissaient pas des difficultés particulières. Ces trois banques se portaient plutôt bien lorsqu’elles ont rendu l’âme. Quelqu’un qui aurait consulté leurs comptes avant qu’elles ne soient contraintes de fermer n’aurait pas cru qu’elles à ce moment n’en avaient pas pour longtemps. SVB, Signature Bank et First Republic Bank ont été des victimes collatérales de la lutte contre l’inflation menée par les régulateurs. Elles sont mortes du même mal foudroyant, mais plutôt bien identifié. La hausse très rapide des taux d’intérêt a déprécie leurs portefeuilles d’obligations, bons du Trésor le plus souvent, détenus par ces banques moyennes, qui plus est dans un contexte de raréfaction des liquidités causée notamment par des retraits de plus en plus fréquents et massifs des clients. A part la SVB qui désespérant de lever des capitaux a mis en vente des obligations, subissant du même coup de grosses pertes, au vu et au su de tout le monde, les deux autres banques sont tombées sans même avoir tenté de se défendre, leurs déposants ayant brusquement cessé de leur faire confiance. Ces trois banques ont une autre similarité, celle qui probablement a joué le plus contre elles : la proportion anormalement basse des dépôts non garantis par rapport à ceux qui l’étaient. Aux Etats-Unis, seuls les dépôts égaux ou inférieurs à 250 000 dollars sont garantis par l’agence fédérale de garantie des dépôts bancaires, la FDIC. Or le meilleur des dépôts de ces banques était supérieur à cette somme, leur clientèle étant formée de gens fortunés. Le genre même de clientèle pour qui changer de banque ne présente aucune difficulté. Aucune banque, quelle qu’elle soit, ne peut survivre à une ruée de ses déposants sur ses guichets, à un «bank run». Ce qui est arrivé à ces trois banques auraient pu arriver à bien d’autres. On peut même aller plus loin, et dire que les conditions sont encore réunies pour que d’autres connaissent dans pas longtemps le même sort. C’est qu’on peut maintenant savoir à l’avance quelle banque américaine moyenne ou régionale va tomber : il suffit pour cela de suivre les cotations des actions des banques de cette dimension. Celles dont les actions plongent sont celles dont les régulateurs vont bientôt s’occuper. Pour l’heure, les yeux sont fixés sur deux banques californiennes : PacWest et Western Alliance, qui sont dans le rouge.
M. H.