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vendredi 24 mars 2023

La concession de méthode faite par Blinken à Lavrov

Si la rencontre de vendredi dernier à Genève entre les deux ministres des Affaires étrangères russe et américain n’a débouché sur rien de positif ou de négatif, dans ce qui est faussement appelé la crise ukrainienne, toutefois elle n’aura pas été inutile, puisqu’elle a du moins permis aux deux hommes de se donner rendez-vous pour la semaine prochaine, ce qui tout de même n’est pas insignifiant. Antony Blinken a qualifié les échanges de francs et substantiels, des mots qu’en général on n’emploie pas pour parler de la stérilité d’une négociation, et du peu d’intérêt qu’il y aurait par suite à la poursuivre. Ils suggèreraient plutôt le contraire, à savoir qu’une avancée, sinon bien sûr un accord sur les points en suspens, serait possible dès la prochaine rencontre. L’optimisme de cette déclaration ne doit pourtant pas faire oublier combien les positions américaines et russes sont dans l’affaire en cause aux antipodes les unes des autres. Le même Blinken qui s’est montré satisfait de la qualité de son entretien avec Lavrov a déclaré par ailleurs avoir opposé un refus catégorique aux principales demandes de ce dernier : non, l’Otan ne fermera pas définitivement sa porte à l’Ukraine qui y aspire depuis plusieurs années maintenant ; non, l’Otan ne se retirera pas de ceux des anciens membres du bloc communiste qu’elle a déjà intégrés dans ses rangs.

Il semble qu’il n’ait donné satisfaction à son interlocuteur que sur un seul point : celui de répondre effectivement par écrit aux demandes officiellement formulées par son pays, il y a maintenant plusieurs jours. Or, quelques heures auparavant, alors qu’il se trouvait encore à Berlin, le chef de la diplomatie américaine avait écarté d’un revers de main la possibilité qu’il ait à fournir par écrit ses réponses aux questions posées par les Russes, d’un air indiquant que cela serait inconvenant de sa part, la méthode dérogeant aux usages de la diplomatie. Il y a nécessairement un sentiment de supériorité chez celui qui exige des réponses par écrit aux questions qu’il lui a plu de poser. Comment se fait-il alors que Blinken se soit résolu finalement à passer outre sa répugnance, à satisfaire les Russes sur un point d’autant plus important qu’il relève de la méthode, de l’entrée en matière ? C’était lui Blinken qui auparavant exigeait un geste de désescalade de la part des Russes, un gage de bonne volonté autrement dit, et puis voilà que c’est lui qui en consent un, de tous peut-être le plus significatif, en tout cas au point où en est encore la négociation. La réalité est qu’il a changé de ton en passant de Berlin à Genève. Il n’était question chez lui que de sanctions, que du prix très élevé que la Russie aurait à payer si elle envahissait l’Ukraine. C’est sur un autre langage qu’il s’est rabattu à Genève, où la mise en garde, sans avoir complètement disparu dans son propos, est néanmoins passée au second plan. Serait-ce qu’il ait reçu de ses interlocuteurs la ferme assurance qu’il n’entrait pas dans leur intention de lancer une quelconque attaque en Ukraine ? Une hypothèse peu probable dans ce genre d’affaires, où personne n’a intérêt à pousser la franchise jusqu’au point où son vis-à-vis n’a plus de doutes à se faire sur ses véritables intentions. Ce qui fait courir les Américains, c’est justement qu’ils ne sont pas certains de ce que feront au bout du compte les Russes de leurs troupes amassées à la frontière avec l’Ukraine. C’est ailleurs qu’il faut chercher une explication au ton plus conciliant adopté à Genève par le chef de la diplomatie américaine.

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