Lors de la conférence de presse marquant la fin de sa visite en Israël, Kevin McCarthy, le speaker de la Chambre des représentants, est interrogé par un journaliste russe qui lui demande s’il est toujours contre l’aide américaine à l’Ukraine dans sa guerre contre la Russie. Après avoir fait semblant de ne pas comprendre la question qui lui est posée, avec un fort accent russe il faut le noter, McCarthy saute sur l’occasion qui lui est ainsi offerte de lever toute ambiguïté sur sa position sur le sujet abordé. Ce qu’il fait non seulement en son nom propre et celui du groupe des représentants républicains mais également des républicains dans leur ensemble, en quoi sans doute il outrepasse ses prérogatives. La question du journaliste russe n’avait pourtant rien d’arbitraire. Elle se basait sur des déclarations faites par McCarthy lui-même, dans lesquelles certes il ne demandait pas purement et simplement l’arrêt de l’aide à l’Ukraine, mais un meilleur contrôle de ce qu’il advenait d’elle une fois arrivée à destination, eu égard notamment à la solide réputation de la classe dirigeante ukrainienne en matière de corruption.
L’Ukraine est le seul pays à mener une opération anti-corruption alors qu’il se trouve en pleine guerre. Quelqu’un qui vole son pays alors que celui-ci se bat pour sa survie contre plus fort que lui est partout ailleurs un traître, et à ce titre passible du peloton d’exécution. Pas en Ukraine où il est seulement chassé de son poste. Il ne lui est même pas demandé de rendre ce qu’il a dérobé. En tout cas il n’a été question d’aucune obligation de ce genre s’agissant des derniers limogeages opérés par le président ukrainien, chef de guerre par ailleurs. L’Ukraine est aussi le seul pays soupçonné d’avoir vendu à l’ennemi certains des spécimens d’armes qui lui ont été envoyées par ses alliés. Lorsque depuis la tribune de la Chambre des représentants McCarthy exigeait un contrôle plus strict de l’aide apportée à l’Ukraine, il était justement beaucoup question de ce trafic d’armes dans les rangs des Ukrainiens. McCarthy a pris l’air de quelqu’un qui ne comprend même pas qu’on lui pose la question. Pour un peu on croirait qu’il n’était pas le chef de file des représentants républicains mais des représentants démocrates. Voulait-il dissiper toute espèce de malentendu touchant sa position sur l’aide à l’Ukraine, ou voulait-il en plus de cela dire autre chose ? Laisser entendre par exemple que sa position en la matière différait de celle de Donald Trump ? Des deux questions, c’est la deuxième que l’on se posera le plus aux Etats-Unis. L’attitude vis-à-vis de la guerre en Ukraine est centrale aux Etats-Unis, même si cela n’apparaît pas tout le temps, les questions économiques et de société prenant bien plus souvent les devants. N’empêche, cette guerre dure depuis suffisamment de temps maintenant pour que tout un chacun puisse se rendre compte qu’il existe une divergence sur ce point entre démocrates au pouvoir et républicains dans l’opposition. Une divergence qui est bien plus qu’une nuance se détachant sur un socle commun aux deux partis. Sans être des prorusses, il s’en faut, les républicains ne sont pas pour le soutien tous azimuts à l’Ukraine. Maintenant, on peut penser qu’au fond McCarthy n’a fait en Israël que mettre l’accent sur ce soutien, ce qu’il n’a pu faire sans tordre le bâton dans un sens, d’autant qu’il répondait à un russe avec un accent si fort qu’il a pu lui paraître provocateur. Et que lorsque l’occasion s’en présentera à nouveau, c’est dans l’autre sens qu’il tordra le même bâton. Gageons qu’on n’attendra pas longtemps avant d’en être fixé.