Depuis l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe, le 24 février de cette année, Henry Kissinger, qui depuis longtemps n’est pas à présenter, n’a cessé de prodiguer des conseils de prudence aux dirigeants américains et occidentaux, les engageant notamment à tenir compte des inquiétudes sécuritaires de Moscou, résultant toutes de l’élargissement à l’est de l’Otan, qu’avec d’autres lui-même a toujours désapprouvé. On ne peut dire qu’il ait été écouté par son public de prédilection, les décideurs américains, qui probablement s’attendaient surtout à ce qu’il leur apporte leur soutien inconditionnel eu égard à la gravité du moment. Il est clair que Kissinger ne pense pas que l’actuel président des Etats-Unis soit l’homme le mieux fait pour conjurer les périls en train de se former à l’horizon immédiat, en Europe comme en Asie. Il a à maintes reprises laissé entendre que Biden faisait tout le contraire de ce qu’il faudrait pour stopper la marche à la guerre, avec la Russie mais aussi avec la Chine. Il faut dire que Biden n’est pas réputé pour être maître de ses émotions. Il le serait, il n’aurait jamais traité le président d’une grande puissance de tueur, à peine a-t-il pris ses fonctions.
Dès ce moment, les relations avec la Russie s’étaient gravement détériorées. Rien ne le poussait à cet impair, sinon le souci de se démarquer de son prédécesseur, Donald Trump, qui lui prenait un certain soin d’avoir de bonnes relations personnelles avec Vladimir Poutine. Crime capital à la fois pour les démocrates et pour Biden, dont le procès se poursuit encore. Kissinger ne va pas jusqu’à dire que Biden est un danger pour la paix mondiale dans le contexte explosif d’aujourd’hui, néanmoins il le laisse suffisamment entendre. Il est invité sur les plateaux de télévision, et interviewé par les journaux, en premier lieu pour parler de son dernier ouvrage, consacré à six fameux dirigeants ayant fait preuve en leur temps de véritables capacités de leadership. Or il ne dit rien sur ces personnages de l’histoire moderne qui en même temps ne fasse pas ressortir les insuffisances de Joe Biden, mais tout autant celles des autres leaders occidentaux en exercice en même temps que lui. Si la guerre menace à nouveau, c’est de son point de vue en partie au moins parce que les dirigeants actuels n’ont pas la hauteur de vue nécessaire pour dépassionner le débat, attaquer à la racine ses signes annonciateurs. Pour le malheur du monde, semble-t-il regretter, un chapelet de dirigeants médiocres est arrivé à la tête des Etats occidentaux, dans une situation qui au contraire appelle des dirigeants d’une tout autre trempe. Là où par exemple il faudrait un Nixon à la tête des Etats-Unis, on a un Joe Biden. Au lieu d’un de Gaulle, c’est un Macron qui est président en France. A la place d’un Adenauer, c’est un Scholz qui est chancelier en Allemagne. Une telle conjonction est pour Kissinger plus qu’une circonstance aggravante. On peut se demander si pour lui, ce n’est pas là la véritable cause de la guerre qui de plus en plus menace entre les Etats-Unis d’une part, la Chine et la Russie de l’autre. Car pour lui, il est de plus en plus évident qu’il n’y aura pas une guerre contre la Russie seule, et une autre qui se ferait contre la Chine seule. Si guerre il y a, un scénario qui va s’affirmant, ce sera à la fois contre la Chine et la Russie réunies, encore que Kissinger semble encore hésiter sur ce point.