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jeudi 28 mars 2024

Kaïs Saïed n’a jamais été seul

Le Front du salut national tunisien, dont le porte-parole bien plus que le président est Ahmed Néjib Chabbi, une coalition de plusieurs partis, dont Ennahdha, Kalb Tounès, et Karama, comme pressé par le temps, n’a pas attendu de savoir à quoi ressemblerait la loi électorale en gestation depuis un certain temps déjà à la présidence de la République, pour annoncer qu’il se refusait à prendre part aux législatives prévues pour le 17 décembre prochain. Il ne devait pourtant plus attendre longtemps, étant donné que le moment arrivait où le président Saïed se devait de convoquer le corps électoral, eu égard au peu de temps qu’il lui restait pour ce faire. Reste que ce qui aurait été surprenant, ce n’est pas que ces partis optent en définitive pour le boycott des législatives, alors qu’ils avaient rejeté la nouvelle Constitution en boycottant le référendum du 25 juillet, mais qu’ils y prennent part. Ils avaient pourtant tenu au lendemain de ce référendum à ne pas lier ce deuxième boycott au premier, disant qu’ils se détermineraient à cet égard en fonction de la loi électorale. Mais comme depuis lors, nulle ouverture, nulle proposition, nulle offre de dialogue ne leur ont été faits, ils ont décidé de ne plus attendre avant d’annoncer leur choix final, à croire qu’il y avait là un piège, et qu’il fallait s’en extirper le plus rapidement possible, que dans cette affaire le temps ne travaillait pas pour eux mais pour le président.

Il est probable qu’ils soient suivis sur ce point par d’autres partis se situant en dehors de leur coalition. Si bien que ces législatives, censées clore la transition vers le nouveau régime voulu par le président Saïed, mais également par beaucoup de Tunisiens, autrement on ne comprendrait pas que le processus dans son ensemble ne soit pas mis en échec, connaitront vraisemblablement un taux de participation de niveau comparable à celui du référendum, qui certes est faible mais qui n’est pas aussi négligeable que le disent les abstentionnistes, du moins au regard de la relativement courte histoire électorale de la Tunisie. D’une façon générale, on sait qu’une cause est en train de mal tourner lorsque ses partisans donnent de l’adversaire un visage à la fois précis et exclusif, de même que s’ils avaient affaire à une seule personne. Pour le Front du salut national, comme pour tous les autres opposants, organisés ou non en partis, ce qui se passe en Tunisie depuis le 25 juillet de l’année dernière, est en tout et pour tout le fait d’une seule personne : Kaïs Saïed, auteur à lui tout seul d’un coup d’Etat, qui étrangement est en train de réussir. La réalité est qu’en politique, les véritables acteurs ne sont pas les personnes isolées mais les groupes, les factions, les classes, les fractions, les masses, courants, appelons-les comme on voudra. A la limite, l’individu prête son visage à une cause donnée ; elle ne peut se réduire à lui pas plus qu’il ne peut être seul à la porter. Le général sans troupes, ça n’existe pas. Quelque chose d’aussi énorme qu’un changement de régime, à plus forte raison s’il est pacifique, ne peut être effectué que par un ensemble de forces agissant d’un commun accord. L’idée qu’on peut se faire élire président, puis une fois maître de la place, entreprendre un coup d’Etat, est une idée qui ne tient pas debout. Non seulement Saïed n’est pas seul et ne l’a jamais été, mais il appartient à une force politique qui a toujours été au pouvoir en Tunisie, à cela près qu’elle a dû le partager un certain moment, et pour l’essentiel avec un adversaire antagoniste. Ce sur quoi elle a décidé de revenir.

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