S’il est un conflit armé toujours en cours, bien que depuis un certain temps déjà il en soit à peine question, qui soit en même temps comparable à la guerre en Ukraine, c’est bien le conflit syrien. La guerre en Syrie, vieille maintenant de plus d’une décennie, dont à ses débuts on disait d’ailleurs souvent qu’elle était la pire de toutes celles qu’on avait connues depuis la Deuxième Guerre mondiale, ressemble à la guerre en Ukraine d’abord en ceci qu’elles sont toutes les deux des espèces de guerre mondiale confinée dans un seul pays. De par le nombre des parties impliquées dans les deux cas, cela saute aux yeux. En Syrie comme en Ukraine, la Russie s’est trouvée aux prises avec l’Otan, à cette différence qu’en Syrie cette dernière, sous forme de coalition internationale dirigée par les Etats-Unis, intervenait en son nom propre, à titre de belligérant alors qu’en Ukraine elle se contente de fournir les armes à la partie adverse de la Russie, mais une tâche qu’en revanche elle assume pleinement. De même que la Russie est beaucoup plus engagée en Ukraine qu’en Syrie, ainsi en est-il de l’Otan, le véritable deuxième belligérant sur ce deuxième front. Il ne manque aux pays qui envoient armement sur armement à l’Ukraine que de déclarer la guerre à la Russie, un pas qu’ils se garderont toutefois de jamais franchir. Du côté russe, et comme pour mieux souligner la similarité entre les deux situations, c’est un même commandant qui a été placé à la tête des troupes, le général Alexander Dvornikov. Mais si en Syrie Russes et Américains s’étaient entendus pour mettre en place une cellule de coordination chargée de leur faire éviter de se tirer dessus, il n’en est pas de même en Ukraine, où un dispositif de ce genre est tout simplement impensable. En Ukraine en effet, pas un soldat américain, pas même une trace de lui, ne devrait être découverte par les Russes, autrement c’est la guerre dans son ensemble qui changerait de visage. La question se pose d’ailleurs de savoir jusqu’à quand les Russes toléreront le déversement des armes des Américains et de leurs alliés, jusqu’à quand continueront-ils de ne pas y voir une déclaration de guerre en valant bien une autre. Or voilà qu’un autre point de similitude, jusque-là passé plus ou moins inaperçu, qui se dénonce comme tel : Israël, qui s’était essayé jusque-là à se draper de neutralité malgré son alignement déclaré sur les Etats-Unis, mais qu’une remarque incidente de Sergueï Lavrov sur une hypothétique ascendance juive de Hitler a fait sortir du bois. Israël est présent en Syrie, où il bombarde depuis des années en toute impunité des positions iraniennes mais aussi syriennes, grâce à la compréhension dont la Russie fait preuve à son endroit. Une seule fois un de ses avions a été abattu par la défense antiaérienne syrienne. Son premier ministre de l’époque, Benyamin Netanyahou, s’est tout de suite alors envolé pour Moscou pour savoir si le Kremlin lui conservait ses bontés ou au contraire les lui retirait. De même, il y a deux mois, alors que débutait la guerre en Ukraine, une crainte du même genre s’était saisi du nouveau Premier ministre israélien, Naftali Bennett, qui en effet avait apporté tout son soutien aux Etats-Unis. Et si en représailles, s’était-il demandé, les Russes allaient fermer le ciel syrien aux avions israéliens, exauçant du même coup les vœux les plus chers des Syriens, et de bien d’autres acteurs dans la région. La guerre en Ukraine pourrait bien changer quelques habitudes prises par Israël en Syrie.