17.9 C
Alger
lundi 27 mars 2023

Juan Guaido, le président qui ne se voit plus comme tel

Le choix fait récemment par l’opposition anti-chaviste de participer aux régionales à venir, rompant par là même avec une politique de boycott suivie par elle ces trois dernières années, s’il est encore trop tôt pour dire qu’il met fin à la crise politique et économique dans laquelle est plongée le Venezuela, du moins laisse-t-il entrevoir cette issue pour la première fois. La prudence est de rigueur toutefois. D’ici à ce que cette échéance se tienne, devant conduire au renouvellement des gouverneurs et des maires dans les régions, chose en principe acquise fin novembre de cette année, bien des ingérences peuvent se produire dans un continent plus que jamais polarisé entre alliés et adversaires de Washington. Elles sont susceptibles de rendre caduc l’accord intervenu entre le pouvoir chaviste en place et l’opposition de droite regroupée dans le bloc de la Table de l’Union démocratique, grâce en particulier aux efforts déployés en ce sens par la diplomatie mexicaine dynamique et qui est à mettre principalement au crédit du président Andres Manuel Lopez Obrador.

En attendant de voir le tour précis que vont prendre les événements, force est de constater qu’au Venezuela il n’existe plus deux présidents, une situation sans précédent dans laquelle il s’était trouvé au lendemain de l’élection présidentielle de 2018, mais un seul. Deux présidents, l’un exerçant réellement le pouvoir, qui est Nicolas Maduro, et l’autre, Juan Guaido, sans prérogative aucune mais reconnu pourtant par une cinquantaine d’Etats dont les Etats-Unis, les pays de l’Union européenne, et les pays sud-américains membres du groupe de Lima, tout en étant dans son pays le premier des opposants, pas même donc le président de l’Assemblée qu’il avait été précédemment. On peut dire de Guaido qu’il a de fait abdiqué le titre qu’il s’était attribué, par cela seul qu’il n’a pu empêcher que l’option de la participation prévale au sein de l’alliance à laquelle il appartient. De là la question de savoir si les pays le reconnaissant comme le seul président légitime du Venezuela vont continuer de le considérer comme tel, ou au contraire en viendront-ils à lui retirer un titre qu’il ne revendique plus lui-même. Le Venezuela s’est singularisé une première fois par ceci qu’il a eu deux présidents se disputant la reconnaissance par la communauté internationale. Il risque de se distinguer davantage encore en étant le seul à avoir un de ses citoyens reconnu comme le seul président de son pays par un grand nombre d’Etats alors que lui-même ne se considère plus comme tel. D’habitude ce qui se passe, c’est un peu l’inverse, un président reconnu d’abord, et qui soudain ne l’est plus par tout ou partie de la communauté internationale. Ici, c’est un président reconnu qui du jour au lendemain abandonne son titre de président, alors même qu’il continue de le revêtir aux yeux des Etats le reconnaissant comme tel. Il s’agit dans les deux cas d’un abandon, d’un retournement de veste plutôt, sauf que dans le second, c’est un individu qui laisse en plan ce même ensemble de pays qui l’ont fait président, puisqu’il ne l’a pas été par les seuls en droit de le créer comme tel : les électeurs vénézuéliens. Si les Etats-Unis, les Etats européens et américains du Sud pour qui il est, du moins jusqu’à nouvel ordre, le président légitime du Venezuela répondent à sa «trahison» en le dépouillant de leur reconnaissance, ce sera de même de leur part l’aveu que dans cette affaire ils avaient agi en imbéciles, en aventuriers et en ennemis d’un pays et d’un peuple. Et s’ils restent sur la même ligne, dans l’idée notamment que Guaido n’ayant pas le choix reviendra à leur deal, ils nuiront encore plus à leur image de marque, car il est évident que leur homme ne pourra plus rien faire pour leur sauver la face.

Article récent

--Pub--spot_img

Articles de la catégorie

- Advertisement -spot_img