Avec 177 millions de leurs concitoyens complètement vaccinés, et plus de 200 millions qui ne le sont qu’à moitié, mais une campagne de vaccination qui néanmoins se poursuit, encore qu’elle marque le pas depuis quelque temps, les autorités américaines, le président Joe Biden tout le premier, devraient pouvoir se projeter dès à présent dans un avenir débarrassé de la pandémie. Elles n’auraient pour y être tout à fait qu’à attendre que les mesures prises pour contrecarrer l’expansion du virus produisent tous leurs effets. Ce qui dépendait directement d’elles, la mise en place d’une politique adaptée au problème à résoudre, ayant été accompli, et depuis des mois, en principe elles devraient commencer aujourd’hui à récolter les fruits de leurs efforts. Les contaminations devraient être sur leur déclin, les décès en train de se raréfier, et l’économie se rapprocher chaque jour davantage, quand bien même ce ne serait pas à l’allure souhaitée, de son complet rétablissement. La bonne santé économique, c’est – n’est-ce pas ? – la bonne santé tout court, celle des Américains eux-mêmes. Telle était la perspective, il y a encore quelques semaines. La victoire sur la pandémie semblait à portée de main, les contaminations quotidiennes étant tombées à près de 10 000, le nombre augurant sa fin d’après les experts américains.
Et puis brusquement, renversement de tendance : explosion des nouveaux cas, qui maintenant frisent les 180 000 par jour, et triplement des décès, passant à un millier par jour. D’où la montée au créneau de Joe Biden, bien décidé à y mettre le holà. Pour lui, le temps de la persuasion, c’est fini. Celui de la contrainte est arrivé. Tous les Américains dépendant à un titre ou à un autre des subsides de l’Etat sont tenus de prendre le vaccin, quels que soient leurs choix personnels à ce sujet, seraient-ils personnellement des opposants purs et durs à la vaccination. Ceux qui sont employés dans le secteur privé, mais qui émargent à l’une ou l’autre caisse d’assurance relevant de l’Etat fédéral, pareillement. Le personnel de l’éducation, tout particulièrement, est obligé de se faire vacciner jusqu’au dernier, les écoles devant rester fermées à la circulation du virus. Pour ce qui est des Etats républicains opposés aux restrictions sanitaires, le président dispose de suffisamment de pouvoirs en matière réglementaire pour forcer la main à leurs gouverneurs les plus récalcitrants. Ces nouvelles mesures sont conçues pour toucher 100 millions de personnes. Ajoutés aux 177 millions déjà complètement vaccinés, cela fera l’écrasante majorité de la population des Etats-Unis, qui est de 333 millions. Bien entendu, cette nouvelle approche de l’administration Biden par rapport à la pandémie sera confrontée aux mêmes résistances qu’antérieurement. On verra si elle est de nature à les briser. Reste qu’elle prend la mesure du danger que représente le mouvement anti-vaccin. Le ralentissement de la campagne de vaccination, cause du rebond actuel, est directement mis sur son compte, et pas qu’aux Etats-Unis d’ailleurs. En France, par exemple, il est de plus en plus question du pass vaccinal, autrement dit de l’obligation vaccinale, en lieu et place du pass sanitaire. Cela pour deux raisons. La première, c’est que le taux de vaccinés à partir duquel une immunité collective peut prendre le relais n’a cessé d’être réévalué à la hausse. La deuxième, c’est la crainte que le vaccin n’assure pas une protection suffisamment durable pour qu’il soit possible d’y parvenir. Dans de telles conditions, en effet, le ralentissement de la campagne de vaccination pour fait de résistance au vaccin peut avoir le même effet qu’un acte de sabotage délibéré. Un mot que Joe Biden n’a pas employé dans son discours de jeudi dernier, mais qu’à l’évidence il avait à l’esprit.