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vendredi 29 mars 2024

Ingérence

Si l’on se souvient encore des mauvaises relations qui s’étaient établies entre le gouvernement français sous la présidence de Nicolas Sarkozy et la Turquie d’Erdogan, elles n’avaient jamais pris une tournure aussi aigre et personnelle que celles entre Emmanuel Macron et le président turc. Cette dernière année a d’ailleurs marqué une intensification inédite de la tension entre les deux présidents avec de nombreux dépassements de langage de la part de Recep Tayyip Erdogan qui s’est montré plus outrageux que jamais. Le chef de l’État français a ainsi mis en garde cette semaine contre «les tentatives d’ingérence» de la Turquie dans la prochaine élection présidentielle française de 2022, sans pour autant fermer la porte à une amélioration des relations avec Ankara. «Évidemment. Il y aura des tentatives d’ingérence pour la prochaine élection. C’est écrit, et les menaces ne sont pas voilées», a déclaré Emmanuel Macron, interrogé dans le cadre d’un documentaire de l’émission C dans l’Air de la chaîne de télévision France 5 sur le président turc. Évoquant la brûlante controverse sur la question religieuse, déclenchée après son discours à l’automne sur «le séparatisme islamiste», Emmanuel Macron a fustigé «une politique de mensonges d’État relayés par les organes de presse contrôlés par l’État turc», ainsi que «par certaines grandes chaînes contrôlées par le Qatar». Recep Tayyip Erdogan a déjà été accusé d’ingérence électorale, notamment en Allemagne, quand il avait demandé aux électeurs germano-turcs de voter contre le parti d’Angela Merkel en 2017. «J’ai noté depuis le début de l’année une volonté d’Erdogan de se réengager dans la relation. Je veux croire que c’est possible», a déclaré le président français, se défendant de toute «animosité à l’égard de la Turquie». «Mais je pense qu’on ne peut pas réengager (une relation) quand il y a des ambiguïtés. Je ne veux pas réengager une relation apaisée s’il y a derrière de telles manœuvres qui se poursuivent», a-t-il dit. Les relations bilatérales se sont dégradées avec l’offensive turque, en octobre 2019, contre les forces kurdes en Syrie, alliées des Occidentaux. L’interventionnisme turc en Libye, en Méditerranée orientale (où un incident a opposé des bâtiments turc et français en juin 2020) et la politique française contre l’extrémisme islamique ont ensuite creusé les antagonismes entre Paris et Ankara. «La France a été très claire. Quand il y a eu des actes unilatéraux en Méditerranée orientale, nous les avons condamnés et nous avons agi en envoyant des frégates», a souligné Emmanuel Macron, déplorant que l’Otan ne soit «pas suffisamment clair» avec Ankara. «Nous avons besoin de clarifier la place de la Turquie dans l’Otan», a-t-il estimé. Cependant, «il faut un dialogue avec la Turquie, il faut tout faire pour qu’elle ne tourne pas le dos à l’Europe et n’aille vers plus d’extrémisme religieux ou des choix géopolitiques négatifs pour nous», a-t-il poursuivi. Mais les souhaits du président français risquent de rester lettre morte face aux excès d’Erdogan. Seul l’intérêt supérieur de ce dernier pourrait le pousser à calmer ses relations avec la France, et le reste de l’Europe, comme il tente de le faire effectivement depuis le début de cette année. Reste à voir si cela le poussera à rester en dehors de la présidentielle française ou s’il encouragera malgré tout, comme il a d’ailleurs promis de le faire il y a quelques mois, les Français d’origine turque à tout faire pour empêcher Macron de remporter un nouveau mandat à l’Élysée.

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